ciliation et de nos serments de la veille, ou
qu'une preoccupation plus vive que notre amour lui fit voir enfin les
dangers de cet amour et les obstacles de la situation. Il etait evident
que ma lettre l'avait bouleversee, car elle m'accablait de questions sur
les revelations que Moserwald m'avait faites.
--A mon tour, lui dis-je, laissez-moi donc vous interroger. Comment se
fait-il que, me voyant si malheureux en presence de tout ce qui nous
separe, vous ne m'ayez jamais dit: "Tout cela n'existe pas, je peux
invoquer une loi plus humaine et plus douce que la notre, j'ai fait un
mariage protestant?"
--J'ai du croire que vous le saviez, repondit-elle, et que vous pensiez
comme moi la-dessus.
--Comment pensez-vous? Je l'ignore.
--Je suis catholique... autant que peut l'etre une personne qui a le
malheur de douter souvent de tout et de Dieu meme. Je crois du moins que
la meilleure societe possible est la societe qui reconnait l'autorite
absolue de l'Eglise et l'indissolubilite du mariage. J'ai donc souffert
amerement de ce qu'il y a d'incomplet et d'irregulier dans le mien.
N'etait-ce pas une raison de plus pour y ajouter, par ma croyance et ma
volonte, la sanction que lui a refusee Valvedre? Ma conscience n'a
jamais admis et n'admettra jamais que lui ou moi ayons le droit de
rompre.
--Eh bien, repondis-je, je vous aime mieux ainsi: cela me semble plus
digne de vous; mais, si votre mari vous contraint a reprendre votre
liberte!...
--Il peut reprendre la sienne, si tant est qu'il l'ait perdue; mais,
moi, rien ne me decidera a me remarier. Voila pourquoi je ne vous ai
jamais dit que cela fut possible.
Croirait-on que cette decision si nette me blessa profondement? Une
heure auparavant, je fremissais encore a l'idee de devenir l'epoux d'une
femme de trente ans, deux fois mere, et riche des aumones d'un ancien
mari. Toute ma passion faiblissait devant une si redoutable perspective,
et pourtant je m'etais dit que, si Alida, repudiee par ma faute,
exigeait de moi cette solennelle reparation, je me ferais au besoin
naturaliser etranger pour la lui donner; mais j'esperais qu'elle n'y
songerait seulement pas, et voila que je l'interrogeais, voila que je me
trouvais humilie et comme offense de sa fidelite quand meme envers
l'epoux ingrat! Il etait dans la destinee et aussi dans la nature de
notre amour de nous abreuver de chagrins a tout propos, a toute heure,
de nous rendre mefiants, susceptibles. Nous echangeames d
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