avalier
d'Adelaide, avec laquelle je n'avais pas ose danser sous les yeux
d'Alida, et qui me tendit sa belle main avec confiance. Elle n'y
entendait certes pas malice; mais mademoiselle Juste savait bien ce
qu'elle faisait. Elle parlait bas au pere Obernay en nous regardant d'un
air moitie bienveillant, moitie railleur. La figure candide du vieillard
semblait lui repondre: "Vous croyez? Moi, je n'en sais rien, ce n'est
pas impossible."
Oui, je l'ai su plus tard, ils parlaient du mariage autrefois vaguement
projete avec mes parents. Juste, sans rien savoir de mon amour pour
Alida, pressentait quelque charme deja jete sur moi par l'enchanteresse,
et elle s'efforcait de le faire echouer en me rapprochant de ma fiancee.
Ma fiancee! cette splendide et parfaite creature eut pu etre a moi! Et
moi, je preferais a une vie excellente et a de celestes felicites les
orages de la passion et le desastre de mon existence! Je me disais cela
en tenant sa main dans la mienne, en affrontant les magnificences de son
divin sourire, en contemplant les perfections de tout son etre pudique
et suave! Et j'etais fier de moi, parce qu'elle n'eveillait en moi aucun
instinct, aucun germe d'infidelite envers ma dangereuse et terrible
souveraine! Ah! si elle eut pu lire dans mon ame, celle qui la possedait
si entierement! Mais elle y lisait a contre-sens, et son oeil irrite me
condamnait au moment de mon plus pur triomphe sur moi-meme; car elle
etait la, cette magicienne haletante et jalouse, elle m'epiait d'un oeil
trouble par la fievre. Quelle victoire pour Juste, si elle eut pu le
deviner!
L'appartement de madame de Valvedre etait au-dessus de la salle ou l'on
dansait. D'un cabinet de toilette en entre-sol, on pouvait voir tout ce
qui se passait en bas par une rosace masquee de guirlandes. Alida avait
voulu jeter machinalement un dernier regard sur la petite fete; elle
avait ecarte le feuillage, et, me voyant la, elle etait restee clouee a
sa place. Et moi, me sentant sous les yeux de Juste, je croyais etre un
grand diplomate et servir habilement la cause de mon amour en m'occupant
d'Adelaide et en jouant le role d'un petit jeune homme enivre de
mouvement et de gaiete!
Aussi le lendemain, quand j'eus reussi a faire tenir ma lettre a madame
de Valvedre, je recus une reponse foudroyante. Elle brisait tout, elle
me rendait ma liberte. Dans la matinee, Juste et Paule avaient parle
devant elle de mon union projetee avec Adelaide et d'une recente
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