e-Lucien
Ducasse--tel est son veritable nom--est decede le jeudi 24 novembre
1870, a huit heures du matin, en son domicile, Faubourg-Montmartre, no 7.
Le numero 7 du Faubourg-Montmartre n'a jamais ete ni un cabanon, ni une
maison de fous.
Nos actives investigations n'ont pas abouti a penetrer, dans son
integralite, le mystere dont la vie de l'auteur a Paris semble avoir ete
entouree. La Prefecture de police s'est refusee a nous seconder dans ces
recherches, parce que nous n'avions aucun caractere officiel pour les
lui demander. Voila, certes, un rigorisme administratif fort
regrettable. Quel inconvenient peut-il y avoir a fournir a un editeur
quelques renseignements sur la vie d'un homme de lettres mort depuis
vingt ans? Borne a nos seules enquetes, nous avons acquis la certitude
que Ducasse etait venu a Paris dans le but d'y suivre les cours de
l'ecole Polytechnique ou des Mines. En 1867, il occupait une chambre
dans un hotel situe au numero 23 de la rue Notre-Dame-des-Victoires.
Il y etait descendu des son arrivee d'Amerique. C'etait un grand jeune
homme, brun, imberbe, nerveux, range et travailleur. Il n'ecrivait que
la nuit, assis a son piano. Il declamait, il forgeait ses phrases,
plaquant ses prosopopees avec des accords. Cette methode de composition
faisait le desespoir des locataires de l'hotel, qui, souvent, reveilles
en sursaut, ne pouvaient se douter qu'un etonnant musicien du verbe, un
rare symphoniste de la phrase cherchait, en frappant son clavier, les
rhythmes de son orchestration litteraire.
Si de tels raccourcis de la vie d'un homme ne suffisent pas pour
reconstituer une ressemblance bien definitive, ils aideront toutefois
a elucider, pour une petite part, le mystere de cette figure vouee a
rester, par presque tous ses cotes, obscure. Mais, restituer un caractere
avec des documents, cela ne tient-il pas un peu du domaine des sciences
occultes? Du moins, avons-nous cherche a eclairer ce sommaire portrait
en recourant a celle des sciences de ce temps qui, d'apres un texte,
s'applique a evoquer les plus fuyantes directions de l'Ame et de la
Pensee. Puisque nous avions cette fortune de posseder des manuscrits de
Ducasse, il nous a paru curieux de demander a un graphologiste erudit son
avis sur l'auteur des _Chants de Maldoror_.
"--Oh! oh! c'est joli, dit-il (c'est la une expression familiere aux
graphologistes lorsque le sujet leur semble interessant); singulier
melange, par exemple. Voyez-donc l'ordr
|