nt-ils,
quand tu ne les enveloppes pas definitivement dans tes plis bouillonnants,
pour aller voir, sans chemin de fer, dans tes entrailles aquatiques,
comment se portent les poissons, et surtout comment ils se portent
eux-memes. L'homme dit: "Je suis plus intelligent que l'ocean." C'est
possible, c'est meme assez vrai; mais l'ocean lui est plus redoutable
que lui a l'ocean: c'est ce qu'il n'est pas necessaire de prouver. Ce
patriarche observateur, contemporain des premieres epoques de notre
globe suspendu, sourit de pitie, quand il assiste aux combats navals des
nations. Voila une centaine de leviathans qui sont sortis des mains de
l'humanite. Les ordres emphatiques des superieurs, les cris des blesses,
les coups de canon, c'est du bruit fait expres pour aneantir quelques
secondes. Il parait que le drame est fini, et que l'ocean a tout mis
dans son ventre. La gueule est formidable. Elle doit etre grande vers le
bas, dans la direction de l'inconnu! Pour couronner enfin la stupide
comedie, qui n'est pas meme interessante, on voit, au milieu des airs,
quelque cigogne, attardee par la fatigue, qui se met a crier, sans
arreter l'envergure de son vol: "Tiens!... je la trouve mauvaise! Il y
avait en bas des points noirs; j'ai ferme les yeux: ils ont disparu."
Je te salue, vieil ocean!
Vieil ocean, o grand celibataire, quand tu parcours la solitude solennelle
de tes royaumes flegmatiques, tu t'enorgueillis a juste titre de ta
magnificence native, et des eloges vrais que je m'empresse de te donner.
Balance voluptueusement par les mols effluves de ta lenteur majestueuse,
qui est le plus grandiose parmi les attributs dont le souverain pouvoir
t'a gratifie, tu deroules, au milieu d'un sombre mystere, sur toute ta
surface sublime, tes vagues incomparables, avec le sentiment calme de ta
puissance eternelle. Elles se suivent parallelement, separees par de
courts intervalles. A peine l'une diminue, qu'une autre va a sa rencontre
en grandissant, accompagnees du bruit melancolique de l'ecume qui se fond,
pour nous avertir que tout est ecume. (Ainsi, les etres humains, ces
vagues vivantes, meurent l'un apres l'autre, d'une maniere monotone; mais,
sans laisser de bruit ecumeux). L'oiseau de passage se repose sur elles
avec confiance, et se laisse abandonner a leurs mouvements, pleins d'une
grace fiere, jusqu'a ce que les os de ses ailes aient recouvre leur vigueur
accoutumee pour continuer leur pelerinage aerien. Je voudrais que la
majes
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