que je ne suis pas le
seul qui souffre! Pourtant, je sens que je respire! Comme un condamne qui
essaie ses muscles, en reflechissant sur leur sort, et qui va bientot
monter a l'echafaud, debout, sur mon lit de paille, les yeux fermes, je
tourne lentement mon col de droite a gauche, de gauche a droite, pendant
des heures entieres; je ne tombe pas raide mort. De moment en moment,
lorsque mon col ne peut plus continuer de tourner dans un meme sens, qu'il
s'arrete, pour se remettre a tourner dans un sens oppose, je regarde
subitement l'horizon, a travers les rares interstices laisses par les
broussailles epaisses qui recouvrent l'entree: je ne vois rien! Rien ...
si ce ne sont les campagnes qui dansent en tourbillons avec les arbres et
avec les longues files d'oiseaux qui traversent les airs. Cela me trouble
le sang et le cerveau ... Qui donc, sur la tete, me donne des coups de
barre de fer, comme un marteau frappant l'enclume?
* * * * *
Je me propose, sans etre emu, de declamer a grande voix la strophe
serieuse et froide que vous allez entendre. Vous, faites attention a
ce qu'elle contient, et gardez-vous de l'impression penible qu'elle ne
manquera pas de laisser, comme une fletrissure, dans vos imaginations
troublees. Ne croyez pas que je sois sur le point de mourir, car je ne
suis pas encore un squelette, et la vieillesse n'est pas collee a mon
front. Ecartons en consequence toute idee de comparaison avec le cygne,
au moment ou son existence s'envole, et ne voyez devant vous qu'un
monstre, dont je suis heureux que vous ne puissiez pas apercevoir la
figure; mais, moins horrible est-elle que son ame. Cependant, je ne suis
pas un criminel ... Assez sur ce sujet. Il n'y a pas longtemps que j'ai
revu la mer, et foule le pont des vaisseaux, et mes souvenirs sont
vivaces comme si je l'avais quittee la veille. Soyez neanmoins, si vous
le pouvez, aussi calmes que moi, dans cette lecture que je me repens
deja de vous offrir, et ne rougissez pas a la pensee de ce qu'est le
coeur humain. O poulpe, au regard de soie! toi, dont l'ame est
inseparable de la mienne; toi, le plus beau des habitants du globe
terrestre, et qui commandes a un serail de quatre cents ventouses; toi,
en qui siegent noblement, comme dans leur residence naturelle, par un
commun accord, d'un lien indestructible, la douce vertu communicative et
les graces divines, pourquoi n'es-tu pas avec moi, ton ventre de mercure
contre ma poit
|