e ne les accepterai jamais;
du moins, de la part de la race humaine). Donc, puisque ton sang et tes
larmes ne te degoutent pas, nourris-toi, nourris-toi avec confiance des
larmes et du sang de l'adolescent. Bande-lui les yeux, pendant que tu
dechireras ses chairs palpitantes; et, apres avoir entendu de longues
heures ses cris sublimes, semblables aux rales percants que poussent dans
une bataille les gosiers des blesses agonisants, alors, t'ayant ecarte
comme une avalanche, tu te precipiteras de la chambre voisine, et tu feras
semblant d'arriver a son secours. Tu lui delieras les mains, aux nerfs
et aux veines gonflees, tu rendras la vue a ses yeux egares, en te
remettant a lecher ses larmes et son sang. Comme alors le repentir est
vrai! L'etincelle divine qui est en nous, et parait si rarement, se
montre; trop tard! Comme le coeur deborde de pouvoir consoler l'innocent
a qui l'on a fait du mal: "Adolescent, qui venez de souffrir des
douleurs cruelles, qui donc a pu commettre sur vous un crime que je ne
sais de quel nom qualifier! Malheureux que vous etes! Comme vous devez
souffrir! Et si votre mere savait cela, elle ne serait pas plus pres de
la mort, si abhorree par les coupables, que je ne le suis maintenant.
Helas! qu'est-ce donc que le bien et le mal? Est-ce une meme chose par
laquelle nous temoignons avec rage notre impuissance, et la passion
d'atteindre a l'infini par les moyens meme les plus insenses? Ou bien,
sont-ce deux choses differentes? Oui ... que ce soit plutot une meme
chose ... car, sinon, que deviendrai-je au jour du jugement! Adolescent,
pardonne-moi; c'est celui qui est devant ta figure noble et sacree, qui
a brise tes os et dechire les chairs qui pendent a differents endroits
de ton corps. Est-ce un delire de ma raison malade, est-ce un instinct
secret qui ne depend pas de mes raisonnements, pareil a celui de l'aigle
dechirant sa proie, qui m'a pousse a commettre ce crime; et pourtant,
autant que ma victime, je souffrais! Adolescent, pardonne-moi. Une fois
sortis de cette vie passagere, je veux que nous soyons entrelaces
pendant l'eternite; ne former qu'un seul etre, ma bouche collee a ta
bouche. Meme, de cette maniere, ma punition ne sera pas complete. Alors,
tu me dechireras, sans jamais t'arreter, avec les dents et les ongles
a la fois. Je parerai mon corps de guirlandes embaumees, pour cet
holocauste expiatoire; et nous souffrirons tous les deux, moi, d'etre
dechire, toi, de me dechirer ... ma bou
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