t comme un enfant qui
crie de faim, soit comme un chat blesse au ventre au-dessus d'un toit,
soit comme une femme qui va enfanter, soit comme un moribond atteint de
la peste a l'hopital, soit comme une jeune fille qui chante un air sublime,
contre les etoiles au nord, contre les etoiles a l'est, contre les etoiles
au sud, contre les etoiles a l'ouest; contre la lune; contre les montagnes,
semblables au loin a des roches geantes, gisantes dans l'obscurite; contre
l'air froid qu'ils aspirent a pleins poumons, qui rend l'interieur de leur
narine, rouge, brulant; contre le silence de la nuit; contre les chouettes,
dont le vol oblique leur rase le museau, emportant un rat ou une grenouille
dans le bec, nourriture vivante, douce pour les petits; contre les lievres,
qui disparaissent en un clin d'oeil; contre le voleur, qui s'enfuit au
galop de son cheval apres avoir commis un crime; contre les serpents,
remuant les bruyeres, qui leur font trembler la peau, grincer les dents;
contre leurs propres aboiements, qui leur font peur a eux-memes; contre les
crapauds qu'ils broient d'un seul coup de machoire (pourquoi se sont-ils
eloignes du marais?); contre les arbres, dont les feuilles, mollement
bercees, sont autant de mysteres qu'ils ne comprennent pas, qu'ils veulent
decouvrir avec leurs yeux fixes, intelligents; contre les araignees,
suspendues entre leurs longues pattes, qui grimpent sur les arbres pour se
sauver; contre les corbeaux qui n'ont pas trouve de quoi manger pendant la
journee, et qui s'en reviennent au gite l'aile fatiguee; contre les rochers
du rivage; contre les feux, qui paraissent aux mats des navires invisibles;
contre le bruit sourd des vagues; contre les grands poissons, qui, nageant,
montrent leur dos noir, puis s'enfoncent dans l'abime; et contre l'homme
qui les rend esclaves. Apres quoi, ils se mettent de nouveau a courir dans
la campagne, en sautant, de leurs pattes sanglantes, par dessus les fosses,
les chemins, les champs, les herbes et les pierres escarpees. On les dirait
atteints de la rage, cherchant un vaste etang pour apaiser leur soif. Leurs
hurlements prolonges epouvantent la nature. Malheur au voyageur attarde!
Les amis des cimetieres se jetteront sur lui, le dechireront, le mangeront,
avec leur bouche d'ou tombe du sang; car, ils n'ont pas les dents gatees.
Les animaux sauvages, n'osant pas s'approcher pour prendre part au repas
de chair, s'enfuient a perte de vue, tremblants. Apres quelques heures
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