se
cone renverse. Le calme reparut a la surface; la lumiere de sang
ne brilla plus. "Helas! helas! s'ecria la belle femme nue;
qu'as-tu fait?" Moi, a elle: "Je te prefere a lui; parce que j'ai
pitie des malheureux. Ce n'est pas ta faute, si la justice
eternelle t'a creee." Elle, a moi: "Un jour, les hommes me
rendront justice; je ne t'en dis pas davantage. Laisse-moi
partir, pour aller cacher au fond de la mer ma tristesse infinie.
Il n'y a que toi et les monstres hideux qui grouillent dans ces
noirs abimes, qui ne me meprisent pas. Tu es bon. Adieu, toi qui
m'as aimee!" Moi, a elle: "Adieu! Encore une fois: adieu! Je
t'aimerai toujours!... Des aujourd'hui, j'abandonne la vertu."
C'est pourquoi, o peuples, quand vous entendrez le vent d'hiver
gemir sur la mer et pres de ses bords, ou au-dessus des grandes
villes, qui, depuis longtemps, ont pris le deuil pour moi, ou
a travers les froides regions polaires, dites: "Ce n'est pas
l'esprit de Dieu qui passe: ce n'est que le soupir aigu de la
prostitution, uni avec les gemissements graves du Montevideen."
Enfants, c'est moi qui vous le dis. Alors, pleins de misericorde,
agenouillez-vous; et que les hommes, plus nombreux que les poux,
fassent de longues prieres.
* * * * *
Au clair de la lune, pres de la mer, dans les endroits isoles de la
campagne, l'on voit, plonge dans d'ameres reflexions, toutes les choses
revetir des formes jaunes, indecises, fantastiques. L'ombre des arbres,
tantot vite, tantot lentement, court, vient, revient, par diverses
formes, en s'aplatissant, en se collant contre la terre. Dans le temps,
lorsque j'etais emporte sur les ailes de la jeunesse, cela me faisait
rever, me paraissait etrange; maintenant, j'y suis habitue. Le vent
gemit a travers les feuilles ses notes langoureuses, et le hibou chante
sa grave complainte, qui fait dresser les cheveux a ceux qui l'entendent.
Alors, les chiens, rendus furieux, brisent leurs chaines, s'echappent des
fermes lointaines; ils courent dans la campagne, ca et la, en proie a la
folie. Tout a coup, ils s'arretent, regardent de tous les cotes avec une
inquietude farouche, l'oeil en feu; et, de meme que les elephants, avant
de mourir, jettent dans le desert un dernier regard au ciel, elevant
desesperement leur trompe, laissant leurs oreilles inertes, de meme les
chiens laissent leurs oreilles inertes, elevent la tete, gonflent le cou
terrible, et se mettent a aboyer, tour a tour, soi
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