quatre annees, fit brocher des
exemplaires avec un titre et une couverture anonymes[1]. Quelques
lettres seulement connaissent ces exemplaires.
Nous avons cru que la reedition d'une oeuvre aussi interessante serait
bien accueillie. Ses vehemences de style ne peuvent effrayer une epoque
aussi litteraire que la notre. Si outrees qu'elles soient, elles gardent
une beaute profonde et ne revetent aucun caractere pornographique.
La Critique appreciera, comme il convient, les _Chants de Maldoror_,
poeme etrange et inegal ou, dans un desordre furieux, se heurtent des
episodes admirables et d'autres souvent confus. En ecrivant cette
notice, nous voulons simplement detruire une legende formee, on ne sait
trop pourquoi, a l'endroit de la personnalite du comte de Lautreamont.
Dernierement encore, M. Leon Bloy, dont la mission, ici-bas, consiste
decidement a demolir tout le monde, les morts comme les vivants, tentait
d'accrediter cette legende dans une longue etude consacree au volume[2]:
il y repete a satiete que l'auteur etait fou et qu'il est mort fou.
--"C'est un aliene qui parle, le plus deplorable, le plus dechirant
des alienes."--"La catastrophe qui fit de cet inconnu un aliene ..."
--"... Car c'est un vrai fou, helas! Un vrai fou qui sent sa folie."
Et plus loin: "_L'auteur est mort dans un cabanon, et c'est tout ce qu'on
sait de lui_." En ecrivant cela, M. Leon Bloy a sciemment fait de tres
mauvaise besogne; en effet, il resulte de l'enquete tres approfondie que
nous avons faite, il resulte de documents authentiques que nous avons
recueillis, que l'auteur des _Chants de Maldoror_ n'est pas mort fou. Le
comte de Lautreamont s'est eteint a l'age de vingt ans, emporte en deux
jours par une fievre maligne. Si M. Leon Bloy avait lu les alienistes,
et si la science physiologique l'avait un peu allaite, il eut apporte
plus de reserve dans l'invention d'une fable, interessante seulement au
point de vue de l'effet litteraire qu'il desirait produire. La Science,
en effet, nous apprend que les cas de vraie folie sont extremement rares
au-dessous de vingt ans. Or, l'auteur naquit a Montevideo le 4 avril
1850; son manuscrit fut remis a l'imprimerie en 1868; on peut sans
temerite presumer son complet achevement en 1867; les _Chants de
Maldoror_ sortirent donc de l'imagination et du labeur cerebral d'un
jeune homme de dix-sept ans. Au surplus, l'extrait des minutes des actes
de deces du neuvieme arrondissement de Paris porte que Isidor
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