lusieurs souverains, et leur envoya des legats pour demander des
secours temporels. Le pape ne trouva pas beaucoup de princes disposes
a lui en procurer, car dans ce temps-la il y avait des personnes
instruites et sensees, qui ne pensaient pas que les papes pussent
excommunier les princes, ou les particuliers, pour des interets civils,
parce que Jesus-Christ avait dit, que _son royaume n'etait pas de ce
monde_.
[Note 1: Ce sont les termes dont se sert le P. Daniel, pag. 209 du 3e
vol. de son Histoire de France, edition de 1722.]
Le pape ecrivit d'Anagnie une lettre au roi de France dans laquelle,
apres de grands eloges des rois ses predecesseurs dont il relevait
surtout la piete et le zele a defendre la sainte eglise contre ses
persecuteurs, il priait le roi de ne le pas abandonner, et de l'assister
de ses troupes dans la necessite facheuse ou il etait de prendre les
armes contre l'empereur.
Afin de l'y engager plus fortement, il lui fit presenter une autre
lettre[1] pour etre lue dans l'assemblee des seigneurs de France, parce
qu'elle leur etait adressee aussi bien qu'au roi: elle etait concue en
ces termes:
[Note 1: Matthieu Paris, _Henric. III, ad ann. 1239_.]
"L'illustre roi de France, fils spirituel, bien-aime de l'eglise, et
tout le corps de la noblesse francaise, apprendront par cette lettre que
du conseil de nos freres, et apres une mure deliberation, nous avons
condamne Frederic, soi disant empereur, et lui avons ote l'empire, et
que nous avons elu en sa place le comte Robert, frere du roi de France,
que nous le soutiendrons de toutes nos forces, et le maintiendrons par
toutes sortes de moyens, dans la dignite que nous lui avons conferee.
Faites-nous donc connaitre promptement que vous acceptez l'offre
avantageuse que nous vous faisons, par laquelle nous punissons les
crimes innombrables de Frederic, que toute la terre condamne avec nous,
sans lui laisser aucune esperance de pardon."
Le pape se flattait que sa lettre serait recue favorablement en France,
a cause de l'offre de l'empire qu'il faisait au frere du roi: neanmoins
la proposition du pape fut rejetee d'une maniere tres-dure, si la
reponse, rapportee par l'historien d'Angleterre fut telle qu'il le dit:
car cet auteur, indispose contre les papes, ne doit pas toujours etre
cru sur ce qui les regarde.
Les termes de cette reponse sont tres-offensans, et nullement du style
du roi, qui, plein de respect pour le chef de l'Eglise, n'aurait jamais
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