tue de
Strasbourg, si eloquente dans son geste fier. Je venais d'admirer les
pures couleurs du grand pavillon tricolore flottant comme toujours
au-dessus du Ministere de la Marine.
Et au centre de la grande place, je voyais, d'un cote, a l'extremite
grandiose de l'avenue des Champs-Elysees, le profil de l'arc de triomphe
de l'Etoile, monument de nos prestigieuses gloires passees.
A l'autre extremite, au fond des Tuileries, encadrees d'arbres et
de jets d'eau, les colonnes de porphyre du petit arc de triomphe du
Carrousel, eleve lui aussi a la gloire des grandes armees, narguant le
monument de Gambetta et les paroles emouvantes gravees dans la pierre
devant le Louvre.
Et je voyais cela pour la premiere fois avec des yeux qui n'etaient plus
ceux d'un vaincu accable par l'abaissement d'une patrie qui avait ete
si grande. Je voyais pour la premiere fois la capitale de mon pays, en
ayant le droit de regarder en face le sens des pierres de ses monuments,
en etant certain que nous allions enfin nous montrer dignes de notre
grande histoire.
Avoir vecu trente-trois ans avec l'angoisse de ne pas voir venir le jour
de gloire tant reve, avec l'humiliation de transmettre aux enfants la
honte d'etre des Francais diminues, moins fiers, moins libres que leurs
grands-peres, avoir souffert de cela silencieusement, mais profondement,
avec toute l'elite de mon pays, et voir soudain resplendir l'aube de la
resurrection alors que je suis encore jeune et fort et que mon sang est
pret a jaillir, heureux, pour tous les sacrifices.
Je suis satisfait d'avoir ete utile et meme necessaire a Nancy dans un
moment difficile, ou les evenements n'auraient pas eu le meme caractere
si mes fonctions avaient ete detenues par un homme ayant moins de
sang-froid et d'esprit de decision. J'aurais ete affecte s'il m'avait
fallu quitter Nancy, moins d'un mois apres mon arrivee, alors que le
danger etait grand et que j'avais beaucoup a faire.
Maintenant que mon role est termine, il n'etait pas admissible de
s'attarder. Meme utile, ma place n'etait pas confinee dans un cabinet
de travail. Ce n'est pas la qu'on participe suffisamment a une oeuvre
historique qui exige la collaboration des forces de tout un peuple. Il
est des heures ou il faut la grande collaboration anonyme mais vivante
sous le grand ciel avec la jeunesse entiere de son pays. Malheur a ceux
qui ne sont pas la a ce moment!
Malheur aux intellectuels qui ne comprennent pas qu'ils ont eux
|