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Septembre 1916._
3 Septembre.
D'ici quelques jours, tu liras sur les journaux le recit de grands
evenements. Tu seras fiere de songer que ton fils y participe.
Je n'ai nulle crainte que le fardeau de mon commandement soit trop lourd
pour mes epaules. Je saurai en accepter les responsabilites et les
devoirs. D'ailleurs en moi, comme pour la plupart des officiers, il y a
deux hommes: le chef serieux et juste et qui a plus que son age; l'homme
prive souvent gosse et aimant a s'amuser. Ils savent tous deux rester a
leur place et ne pas empieter sur leur domaine.
Mes meilleurs et mes plus tendres baisers.
HENRI.
_Lettre ecrite par le Sous-Lieutenant GUERIN, du 269e Regiment
d'Infanterie, mort au champ d'honneur quelques mois plus tard, aux
parents de son ami mort glorieusement quelques jours avant._
Cher Monsieur, chere Madame,
Aujourd'hui seulement je trouve le courage de vous ecrire, apres etre
bien sur que vous ayez appris la mort glorieuse de votre fils bien-aime,
mon frere d'armes, mort comme je veux et espere mourir, en defendant le
sol sacre de notre France au nom du Droit, de la Civilisation et de la
Liberte.
Dans nos conversations amicales,--car, lorsque le service nous laissait
un instant, nous etions l'un pres de l'autre, discutant la grande chose
que l'on puisse faire pour sa Patrie,--nous nous disions: "Quoi que nous
fassions, nous ne serons jamais aussi grands que ceux qui sont morts."
Et, quand la bataille a ete finie, mon premier devoir a ete d'aller
fleurir sa tombe, et les larmes que j'ai versees ne sont pas seulement
des larmes de regret, mais d'admiration. Combien il m'a paru grand ce
noble et heroique ami! Il m'a semble qu'il me disait souriant: "Tu vois,
j'ai passe devant toi."
Nous avions ete cites a l'ordre du jour en accomplissant en Lorraine la
meme action, fiers de posseder la premiere citation du 269e. Pourtant,
ce n'est pas la recompense qui fait la valeur de l'action. Et lorsque
nous rampions dans les bles remplis de morts et de mourants, au milieu
de nos ennemis, pour aller chercher une mitrailleuse, ce brave Lecomte,
Robert et moi, nous n'etions guides que par le sentiment du devoir.
Plus tard, apres avoir arrose tous les deux de notre sang le sol de la
Patrie, le meme sentiment nous a fait revenir, a peine gueris.
Et c'est ce meme sentiment qui l'a fait mourir en heros. Nous savions
bien, avant la lutte, lui, Chanterel et moi, en nous faisant nos adieux,
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