l nous donne de
l'aimer. Oui, a mon avis, repandre son sang et accepter la douleur,
pour une fin juste, c'est faire un present agreable a Dieu. C'est lui
temoigner qu'il ne nous a pas mis en ce monde en vain.
Places au carrefour de deux chemins, la voie du bien et la voie du mal,
nous avons choisi la voie epineuse du bien, car c'est la seule qui nous
permette de gouter aux joies pures durant les haltes pendant lesquelles
nous nous arretons pour poursuivre plus surement notre route.
Nous souffrons en ce monde, mais la souffrance nous purifie. Un etre
qui souffre excite la pitie et c'est par la pitie que nous obtenons
le pardon de nos fautes. Oh! la pitie! comme c'est beau! Est-il un
sentiment plus beau que celui-la? C'est lui qui, jusqu'a present, m'a
remue le plus profondement le coeur. C'est lui qui eclaire beaucoup
d'ames et qui incite aux nobles resolutions.
Ces pensees-la, que j'exprime tranquillement dans la solitude, j'ai tenu
a vous les communiquer a une epoque decisive de mon existence. Pendant
la guerre, jusqu'a present, j'ai pris deux decisions graves.
La premiere a ete de defendre mon pays comme tous les Francais l'ont
fait au debut de la campagne, ou tout au moins comme la plupart l'ont
fait, c'est en bon fils de la Patrie, soucieux de la sauver d'un grand
peril.
La deuxieme a ete de recommencer, non plus dans les memes conditions.
C'est, maintenant, en possession de mon libre consentement. Aux yeux du
monde, j'avais fait ce que je devais, et la blessure grave que j'avais
recue me dispensait de retourner sur la ligne de feu. Ma retraite a
Belgrade aurait pu durer tres, tres longtemps, ma position me paraissait
assez fixe pour une duree tres longue, peut-etre pour jusqu'a la fin de
la guerre. Cependant, ma conscience me disait que ca ne suffisait pas.
La France etait toujours en danger et avait besoin plus que jamais de
l'aide de tous ses fils. Certes, la resolution prise alors a ete penible
dans ses suites. J'ai eu des heures de decouragement et de lassitude.
Comme le dit si bien l'Evangile, "Le vent brulant du desert souffle
souvent dans le coeur de l'homme et le desseche. Mais il y subsiste
toujours une petite fleur". A plusieurs reprises, des occasions se sont
presentees pour me soustraire a ce que je considere comme mon devoir.
Maintenant, rien ne parait s'opposer a son accomplissement. Aimer et
servir ses parents plus que son prochain, aimer et servir sa Patrie plus
que ses parents.
Je vous
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