ter en ligne d'un moment a l'autre, peut-etre cette nuit,
peut-etre demain, peut-etre dans plusieurs jours. L'aumonier a dit ce
soir, a 7 heures 30, une messe "des vivants et des morts", comme il a
dit en commencant. Un sermon court comme il sait en faire et sachant
remuer le coeur de tous, officiers et hommes, effrayant peut-etre un peu
sous l'habit bleu, mais amenant quand meme un regard de fierte et une
petite larme a l'oeil de ces braves chasseurs. "Nous sommes a Paques,
dit-il ... ceci est une messe de Paques.... Paques dont vous vous
souviendrez.... Paques de guerre.... Paques de lutte!! Jour d'union, je
dirai plus, jour de communion. Pour communier, il faut etre a jeun, il
faut se confesser.... Vous sortez de table et vous n'avez pas le temps
de vous confesser ... a l'impossible nul n'est tenu ... que ceux qui
veulent recevoir l'absolution s'agenouillent." Et, dans un mouvement
sublime, l'eglise (ou plutot la grange, car de la cathedrale il ne reste
qu'une cloche intacte au milieu des decombres) l'eglise entiere s'est
agenouillee, et d'une voix qu'il affermissait a grand' peine, l'aumonier
a donne l'absolution a tous ces hommes, puis la communion.... "Votre
musique, c'est le canon", avait-il dit a un moment de son prone, et,
en effet, en ce moment, l'artillerie faisait rage! Puis la messe s'est
terminee au milieu des cantiques.
De nouveau, l'aumonier prit la parole: "Mes enfants, j'ai oublie quelque
chose, j'ai oublie votre penitence, la voici: allez! et battez-vous
bien!" Et la grange s'est videe dans un silence de mort, et en sortant
j'ai entendu cette reflexion venue je ne sais d'ou: "Heureux ceux qui
croient". Oh! comme il a dit vrai! dans un pareil moment, tout est
beau....
J'avais vu des messes impressionnantes, j'avais vu des choses bien
dures, jamais je n'ai ete emu comme je viens de l'etre ... et tout le
bataillon etait la.
Que vous dirai-je maintenant? La confiance illimitee dans laquelle je
suis en ce moment. Il me semble que je vais a une simple promenade et
j'y vais le sourire aux levres!!!...
Embrasse.
A quand la prochaine lettre?
PAUL.
_Lettre ecrite par le Soldat COLIN, tombe au champ d'honneur le 2 Juin
1918._
Mes parents bien-aimes,
Si cette lettre vous tombait entre les mains, c'est qu'Eloi, votre
fils, ne serait plus. Si ce malheur arrivait, ne me pleurez pas car je
n'aurais fait que mon simple devoir que j'avais a coeur d'accomplir et
pour lequel je vous ai fait ta
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