France bien-aimee, l'arrivee du regne
de Dieu, _Adveniat regnum tuum_.
Cette priere sera toute melee de vous, mes parents bien-aimes, car je
l'ai apprise de vous par vingt-huit annees de parole et d'exemple.
Elle sera calme et douce malgre les apparences, elle respirera la
confiance et la paix.
_Lettre ecrite par le Soldat GLATIGNY, 301e d'Infanterie, tombe au champ
d'honneur._
21 Octobre 1914.
Mes chers Parents,
Enfin! j'ai sur moi vos deux photographies! Elles me sont arrivees ce
matin et ont rempli mon coeur de joie et mes yeux de larmes. J'aurai
ainsi--toutes les fois que je le pourrai--devant moi mes bons parents
que j'aime tant et un coin du cadre ou s'est deroule le meilleur de ma
vie: le jardin de Brezolles, les fenetres du cabinet de papa et celles
de votre chambre a coucher.
Je ne crois pas que maman m'ait jamais fait plus grand plaisir.
Je vous ecris de bonne heure, ce matin, car il faut absolument que je
vous ecrive aujourd'hui. Voici pourquoi. Nous sommes en toute premiere
ligne. A 200 metres environ, nous devinons les tranchees allemandes. Le
general croit savoir que certaines de ces tranchees sont abandonnees. Il
faut s'en rendre compte. Des hommes de bonne volonte ont ete demandes
pour cette mission assez perilleuse, mais tres delicate. Deux se sont
presentes, dont moi. Prudemment et lentement, avancant a plat ventre,
dans une marche rampante, que nous faciliteront les gros arbres de la
foret dans laquelle nous sommes, nous tacherons d'aller jusqu'a ces
tranchees dont l'emplacement approximatif nous a ete indique. Si nous
sommes recus a coups de fusil, c'est que l'ennemi n'aura pas deguerpi,
et il faudra revenir si nous ne sommes pas atteints. Si nous allons
jusqu'au bout, le renseignement sera precieux et j'aurai rendu ainsi
quelque service.
Il est 10 heures 15. Un capitaine d'artillerie vient d'arriver a
nos tranchees pour causer avec nous. L'artillerie va tacher de nous
faciliter l'execution de notre mission. Son tir cessera a midi et demi,
et nous partirons a une heure un quart, suivis du regard, certes avec
anxiete, par nos camarades et nos officiers.
Et maintenant, ne me reprochez pas de m'etre offert pour cette petite
expedition. Le devoir est different pour chacun. J'estime que le mien me
commande cette conduite.
Avant de partir, je remettrai cette lettre a un ami. Si elle vous arrive
sans d'autres renseignements sur mon equipee, c'est que j'y serai reste.
Et mai
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