ntenant, je vais manger une bouchee.
1 heure 10. L'heure du depart est sonnee. Je viens de regarder encore
vos photographies et de les embrasser, et maintenant je pars confiant et
resolu.
GLATIGNY.
_Lettre ecrite par le Lieutenant Maurice GOBERT, 110e Regiment
d'Infanterie, tombe au champ d'honneur, le 5 Octobre 1915, a Somme-Py._
Aux trois etres qui me sont chers:
A ma mere, a mon epouse et a mon flls,
En cet instant supreme, a la veille de partir au feu, je vous reunis en
une meme tendresse.
Si le destin cruel doit me separer de vous, sachez bien que ma derniere
pensee sera pour vous. Soyez braves, demeurez bien Francaises en face de
l'adversite. Vous devez vivre encore pour mon fils. Lui, le cher petit,
ne souffrira sans doute pas beaucoup de ma disparition, il est de vous
trois le privilegie.
Toi, ma chere mere, tu supporteras avec courage cette dure epreuve.
Ensemble nous avons passe de cruels moments. Le sort semblait depuis
quelque temps nous etre favorable. Si je dois te quitter, tu demeureras
pour venir de temps a autre me dire bonjour la-bas ou sont deja ceux qui
m'ont precede. Tu auras la sublime consolation de songer que je suis
mort en faisant mon devoir, nimbe d'un peu de gloire.
Partage cette pensee, ma pauvre petite Marie. Il est encore bien tot
pour que je t'abandonne, et j'aurais voulu vivre avec toi beaucoup
d'annees de bonheur et d'amour. Maintenant que je suis disparu, tu
deviendras le seul soutien de notre cheri.
Pardonne-moi de ne pas vous laisser a tous une situation meilleure.
J'aurais voulu voir votre avenir assure.
Lorsque ta douleur sera un peu calmee, mets-toi a la tache, veille sur
lui comme je l'aurais fait avec toi.
Rappelle-lui bien que, dans la vie, le devoir est parfois penible, mais
qu'il doit passer avant tout. Dis-lui, lorsqu'il sera en age de le
comprendre, qu'il n'est dans la vie qu'un seul chemin, celui de la
vertu. Bien que je ne pretende nullement me poser en modele, cite-lui
mon exemple, raconte-lui que je suis mort en bon Francais et que, si la
Patrie le reclame, il doit suivre le meme chemin que moi.
Allons, adieu. Tous trois, je vous embrasse mille et mille fois par la
pensee, en vous souhaitant une derniere fois beaucoup de courage.
Votre tres affectueux
Maurice GOBERT.
_Lettre ecrite par Leon-Pierre GRENIER, 140e Regiment d'Infanterie,
tombe au champ d'honneur, a Douaumont, le 19 Mars 1916._
Grenoble, le 18 Septembre 19
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