rt au champ d'honneur, le 3
Septembre 1916, devant Barleux._
1er Mars 1916.
Voici donc arrive le jour fatal qui devait confirmer ce que tous deux
pensions sans oser nous le dire, tant les paroles en eussent ete
cruelles; notre cher disparu, mon pere bien-aime, nous a quittes et nous
ne le reverrons jamais. Dieu lui a reserve la plus belle recompense, la
mort en heros, face a l'ennemi, et il n'est pas de doute possible qu'il
ait pris avec lui cette ame d'elite a tous points de vue. Mais pour nous
quelle affreuse realite!... Je ne puis me figurer notre malheur, je ne
puis envisager notre vie completement sans lui, quoique la longue et
penible attente ait distille peu a peu notre souffrance. Ce n'est qu'a
la fin de cette guerre que nous la sentirons completement. Quand nous
serons tous deux seuls, combien sa presence nous manquera! La guerre
est une phase de l'existence pendant laquelle les nerfs se tendent plus
qu'ils ne le peuvent, mais quelle detresse terrible quand la realite
sera la! Il faut avoir notre etat d'esprit actuel, qui nous fait
considerer la mort comme la realisation de nos plus beaux reves de
gloire, et la separation d'avec les notres comme un sacrifice necessaire
au salut de notre chere Patrie, pour que ce coup ne nous frappe pas avec
une violence plus grande encore et que nous puissions le supporter. Cher
pere! Quel exemple pour moi! Jamais je ne serai seulement a la cheville
de cette magnifique nature que je respectais comme celle d'un parfait
chretien et d'un Francais digne de son nom glorieux.
_Derniere lettre du Lieutenant Marcel ETEVE, tue le 20 Juillet 1916._
19 Juillet.
Je suis retourne cet apres-midi jeter un coup d'oeil sur le chaos des
entonnoirs avoisinants: je ne reviens pas sur l'impression causee.
Puis, des banquettes de notre tranchee, je regarde a la jumelle les
eclatements sur les bois, les villages et les chateaux que tiennent les
Boches. C'est epouvantable. Le beau temps semble aujourd'hui revenu, et
notre artillerie lourde en profite pour faire ce qu'on appelle du beau
travail. Quelles enormes colonnes de fumee noire, avec des eclatements
en boule blanche! Quelquefois, un panache de fumee noire, comme une
eruption de volcan. Les Boches ne doivent pas etre a la noce. Et de
derriere nos premieres lignes partent aussi des torpilles. C'est la
danse complete. Il faut s'en rejouir. Mais c'est toutefois un spectacle
peu a l'honneur de l'homme.
Et nos pauvres villages qu'on
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