volonte pour t'ecrire ces quelques
lignes.
Je suis tombe blesse le 7 Septembre au combat de la Marne. J'ai recu le
boulet dans le dos en pleine force et cela a produit la paralysie. Les
balles qui m'ont traverse le genou et l'avant-bras droits ce sont des
balles qui se trouvaient dans le boulet. Le dos aussi a ete traverse par
une balle; le carnet que j'avais dans ma veste a arrete une balle.
J'espere guerir, mais il faudra du temps. La paralysie n'est due qu'a la
forte commotion. Je n'ai besoin de rien. Le jeudi et le dimanche,
les Parisiens et les Parisiennes viennent nous rendre visite et nous
inondent de friandises.
Enfin, cher Pere, du courage; il faut esperer que je guerirai.
Je t'embrasse bien fort, sans oublier ma maman cherie, mes soeurs, mes
freres et le petit Thomas.
BAPTISTE.
_Lettre ecrite par Rene-Anselme DEFARGE, Lieutenant au 107e
d'Infanterie, tue a la bataille d'Ecurie, le 25 Septembre 1915._
25 Septembre 1915.
Mes chers parents,
Nous venons d'occuper de nuit nos emplacements de combat. Tous les
preparatifs ont ete faits, tout a ete regle minutieusement pour que rien
ne soit laisse a l'imprevu qui peut etre regle d'avance. C'est du temps
de gagne--des vies humaines pour aujourd'hui et pour l'avenir.
Depuis quatre jours, nous avons dechaine sur le front allemand un
formidable ouragan de fer. Jamais, meme aux heures les plus difficiles,
nous n'avons connu cela. Et si les Boches viennent, c'est qu'ils ont du
coeur au ventre. Ce matin, derniere main a la preparation: crapouillots,
75, marmites de petit et de gros calibre, tout y va. Deja la tranchee
s'est rougie, un peu de sang a coule, quelques-uns ont paye leur dette
et au dela. Tout a l'heure, ce sera la ruee. Partout, dans le Nord comme
en Champagne, nous allons leur tomber sur le poil! Il faudra bien que le
rideau creve quelque part. Nous pouvons nous attendre evidemment a de
gros sacrifices, une troupe d'assaut doit savoir les supporter. Il faut
y aller de plein coeur, comme dit le generalissime, jusqu'aux pieces
d'artillerie. Il faut traverser tout ce labyrinthe de sapes, de mines,
de tranchees et de boyaux pour gagner la plaine et leur tailler des
croupieres. Il faudra, cette fois, ne leur laisser aucun repit, les
talonner sans relache jusqu'a l'extreme limite de nos forces. Les hommes
sont decides, ils en veulent. La perspective d'un autre hiver dans les
tranchees les effraie beaucoup plus que l'assaut, je crois; et un
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