15, mort un mois
apres, le 17 Juillet 1915, a Angres (Pas-de-Calais)._
Parents cheris,
Je fais suite a ma lettre d'aujourd'hui pour vous annoncer que l'ordre
vient d'arriver qui nous envoie en deuxieme ligne, dans les abris
souterrains; nous serons la pour appuyer immediatement les lignes
avancees du feu et prendre leur place dans deux, trois ou quatre jours.
Nous quittons nos cantonnements de semi-repos ce soir, a 8 heures et,
dans quelques heures, je serais, avec mes camarades, pret a entrer dans
la fournaise.
Il vient de pleuvoir mais le temps de ton grisaille est redevenu clair;
aussitot l'artillerie a recommence de plus belle, et en ce moment les
"marmites" boches tombent tres pres de nous.
Je crois qu'il est inutile de vous repeter que je pars avec toute
confiance et que j'espere fermement etre parmi vous pour celebrer
et nous rejouir de la victoire finale. Mais si la chance vient a
m'abandonner et que je reste dans la glorieuse lutte, je vous en prie,
consolez-vous a l'idee que ce sacrifice etait necessaire et que j'aurai
su mourir vaillamment pour notre pays et notre cause. Vous verrez qu'en
somme, la rancon du sang est bien minime, car combien sont au feu dans
notre famille pour defendre notre nom contre l'ignoble brute qui nous a
attaques?
Soyez forts si une telle epreuve vous etait reservee, mais au moins
vous pourrez relever la tete avec fierte et dire: Il a su faire son
devoir....
Je ne veux pas vous donner des idees tristes et vous faire de la peine,
mais ces quelques lignes etaient necessaires: un homme doit savoir
regarder froidement devant lui et envisager courageusement toutes les
hypotheses. Nous sommes a une epoque ou il faut etre pratique et meme
materiel. Donc, si j'ai ete oblige de vous exposer tout ce preambule,
c'est pour vous dire que tout ce que je possede vous reviendrait
entierement dans un tel cas. Je ne ferais que vous retourner ce qui vous
appartient: n'est-ce pas la le fruit de l'education et des soins que
vous m'avez donnes? Il n'y a aucun doute et je vous en dois encore une
reconnaissance infinie, que mes plus profonds remerciements ne sauraient
exprimer suffisamment.
Vous trouveriez egalement dans mes papiers une sorte de testament qui ne
ferait que developper ce que je vous ai dit plus haut en une ligne. Et,
pour avoir une idee plus complete des trois annees que j'ai passees au
Bresil, ouvrez toute ma correspondance, parcourez-la, de meme qu'un
livre a couverture ver
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