le que la notre; et mes enfants se souviendront, je l'espere, que
leur pere est mort au champ d'honneur.
On doit envier ceux qui sont tombes comme moi en soldat, face a
l'ennemi. Nous monterons, nous autres morts, la garde eternelle et notre
souvenir rappellera aux vivants qu'on ne doit jamais desesperer et que
le droit primera toujours un jour ou l'autre la force.
Je prie Dieu qu'il m'accorde, si telle est sa volonte, de tomber au dela
de la frontiere, la vraie, celle d'au dela du Rhin!
Je laisse ma femme libre de disposer de mon corps comme elle l'entendra.
J'aurais voulu reposer parmi mes hommes, mais je n'ose lui demander ce
dernier sacrifice et la laisse libre de me faire inhumer a Reims dans
notre caveau.
Vive la France!
_Lettre ecrite par le Caporal Robert BERTRAND, 407e Regiment
d'Infanterie, tombe au champ d'honneur, en Artois, le 28 Septembre
1915._
Chers Parents,
Quand vous recevrez cette carte, je ne serai plus de ce monde; je
l'ecris quelques minutes avant l'attaque et ce n'est pas sans emotion
que je m'entretiens pour la derniere fois avec vous.
J'ai charge un fidele ami de vous la faire parvenir; il vous narrera
aussi mes dernieres heures de vie.
Une recommandation: n'ecrivez a personne pour vous renseigner a mon
sujet, car on pourrait apprendre que c'est lui qui vous a annonce ma
mort, ce qui est formellement interdit.
Bien chers parents, j'ai le coeur bien gros en songeant a tous les
bienfaits dont vous m'avez comble et qu'une vie trop courte m'a empeche
de vous rendre.
Je vous embrasse de tout mon coeur, chers aimes, et quand je serai
la-haut, pres de la chere maman, je veillerai sur vous, comme elle
veillait sur nous.
Ne nous oubliez pas dans vos prieres, ne vous laissez pas abattre par ce
malheur: c'est la destinee.
Faites comprendre a tous ceux qui vous parleront de moi que je n'ai fait
que mon devoir en empechant l'envahisseur de venir vous inquieter.
Je donne gaiement ma vie, en songeant que c'est une facon pour moi de
racheter tous les sacrifices que vous vous etes imposes.
Ne me pleurez pas trop, mais songez a moi.
Allons, le devoir m'appelle, j'y cours. Encore une fois de gros baisers.
Vive la France!
ROBERT.
_Derniere lettre du Sergent Louis BIELER, 238e Regiment d'Infanterie
Coloniale, disparu au combat de la Main-de-Massiges, le 25 Septembre
1915._
24 Septembre 1915.
Mon cher Pere et mon cher Charley,
J'ai bien recu vos bonnes
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