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_Lettre trouvee dans le portefeuille de l'Aspirant Henri ACHALME (9 Juin
1894-16 Juin 1915)._
14 Juin.
Mes cheris,
Ne pleurez pas. Pendant toute ma vie, j'ai ete heureux autant qu'on peut
le rever, autant, je crois, qu'on peut le realiser et c'est vous qui
m'avez tout donne. Je vous ai aimes de tout coeur, de toutes forces.
Peut-etre aurais-je souffert plus tard, et je m'en vais pour la plus
belle cause: pour qu'en France on ait encore le droit d'aimer. J'espere
etre tombe face a la victoire. Alors, c'est bien!
Moi qui aurais tant voulu ne jamais vous faire de peine! Enfin, puisque
je ne laisse ni haines, ni degouts, que tout m'a semble beau et m'a
ete doux, je m'en vais encore heureux, puisque c'est pour permettre a
d'autres de l'etre. Comme c'etait facile d'etre heureux! Dites-le a
Jacquot.
Je vous aime et tout doucement je vous embrasse.
HENRI.
Dites encore a mes amis, a tous ceux qui, de pres ou de loin, m'ont un
peu connu ou un peu aime, que je les remercie de m'avoir permis de m'en
aller en pouvant dire: "J'etais heureux!"
HENRI.
_Lettre de Charles ADRIEN, Adjudant-Chef, 361e R.I., mort le 27 Mars
1916, a Verdun._
Mon cher petit Pere,
Je suis heureux en ce jour de pouvoir t'adresser du fond de mon coeur
mes voeux et souhaits de bonne fete.
Je sais que tu prefererais que tous tes gars soient la pour te les
exprimer de vive voix, mais sois bien certain, ou qu'ils se trouvent,
qu'ils ne t'oublient pas en ce triste jour qui devrait etre si gai.
Les dures necessites de l'existence nous imposent ce triste moment;
soyons convaincus, cependant, que bientot tous reunis, de notre franc
sourire, nous ferons oublier a tous et a nous-memes ces mauvais
passages.
Ce 24 Juin 1915 ne se passera pas sans que les pensees de mon coeur et
de mon ame te soient adressees, a toi, mon cher petit Pere bien-aime,
qui sut faire de nous des hommes.
Sans penser a ce que nous sommes en ce moment, sois fier de tes enfants
et de toi-meme, car tu les as faits d'un moral et d'une sante assez
eleves pour qu'ils puissent passer le plus aisement cette dure epreuve.
Tu as donc pour ta part contribue a nous donner une bonne chance de
revenir. Nous saurons trouver les autres.
Je souhaite que cette lettre t'arrive pour le 24, pour bien te marquer
que nous pensons beaucoup a toi que nous aimons si tendrement.
J'espere que mon cher frere Baptiste, dans la dure epreuve morale qu'il
traverse, ne dout
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