des flots et que les grandes vagues s'apaisent. Il semble que ce soient
des vagues de cette espece qui, par un ordre souverain, se sont tout a
coup fixees et transformees en terre. C'est la _prairie ondulee_.
La scene change encore. Je suis entoure de verdure et de fleurs; mais la
vue est brisee par des massifs et des bosquets, de bois taillis. Le
feuillage est varie, ses teintes sont vives et ses contours sont doux et
gracieux. A mesure que j'avance, de nouveaux aspects s'ouvrent a mes yeux;
des vues pittoresques et semblables a celles des plus beaux parcs. Des
bandes de buffalos, des troupeaux d'antilopes et des hordes de chevaux
sauvages, se melent dans le lointain. Des dindons courent dans le taillis,
et des faisans s'envolent avec bruit des bords du sentier. Ou sont les
proprietaires de ces terres, de ces champs, de ces troupeaux et de ces
faisanderies? Ou sont les maisons, les palais desquels dependent ces parcs
seigneuriaux? Mes yeux se portent en avant, je m'attends a voir les
tourelles de quelque grande habitation percer au-dessus des bosquets. Mais
non. A des centaines de milles alentour, pas une cheminee n'envoie sa
fumee au ciel. Malgre son aspect cultive, cette region n'est foulee que
par le mocassin du chasseur ou de son ennemi, l'Indien rouge. Ce sont les
MOTTES, les iles de la prairie semblable a une mer. Je suis dans une foret
profonde. Il est nuit, et le feu illumine de reflets rouges tous les
objets qui entourent notre bivouac. Des troncs gigantesques, presses les
uns contre les autres, nous entourent; d'enormes branches, comme les bras
gris d'un geant, s'etendent dans toutes les directions. Je remarque leur
ecorce; elle est crevassee et se desseche en larges ecailles qui pendent
au dehors. Des parasites, semblables a de longs serpents, s'enroulent
d'arbre en arbre, etreignant leurs troncs comme s'ils voulaient les
etouffer. Les feuilles ont disparu, sechees et tombees; mais la mousse
blanche d'Espagne couvre les branches de ses festons et pend tristement
comme les draperies d'un lit funebre. Des troncs abattus de plusieurs
yards de diametre, et a demi pourris, gisent sur le sol. Aux extremites
s'ouvrent de vastes cavites ou le porc-epic et l'opossum ont cherche un
refuge contre le froid. Mes camarades, enveloppes dans leurs couvertures
et couches sur des feuilles mortes, sont plonges dans le sommeil. Ils sont
etendus les pieds vers le feu et la tete sur le siege de leurs selles.
Les chevaux, reunis
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