un parterre de la
_monarda_ pourpre; la, c'est l'euphorbe etalant ses feuilles d'argent;
plus loin, les fleurs eclatantes de l'_asclepia_ font predominer l'orange;
plus loin encore, les yeux s'egarent sur les fleurs roses du _cleome_. La
brise les agite. Des millions de corolles font flotter leurs etendards
eclatants. Les longues tiges des helianthes se courbent et se relevent en
longues ondulations, comme les vagues d'une mer doree.
Ce n'est pas tout. L'air est plein de senteurs douces comme les parfums de
l'Arabie et de l'Inde. Des myriades d'insectes agitent leurs ailes
charmantes, semblables a des fleurs. Les oiseaux-mouches voltigent
alentour, brillants comme des rayons egares du soleil, ou, se tenant en
equilibre par l'agitation rapide de leurs ailes, boivent le nectar au fond
des corolles; et l'abeille sauvage, les aisselles chargees, grimpe le long
des pistils mielleux, ou s'elance vers sa ruche lointaine avec un murmure
joyeux. Qui a plante ces fleurs? qui les a melangees dans ces riches
parterres? La nature. C'est sa plus belle parure, plus harmonieuse dans
ses nuances que les echarpes de cachemire. Cette contree, c'est la
_mauvaise prairie_. Elle est mal nommee: c'est le JARDIN DE DIEU.
La scene change. Je suis, comme auparavant, dans une plaine environnee
d'un horizon dont aucun obstacle ne brise le cercle. Qu'ai-je devant les
yeux? des fleurs? Non; pas une seule fleur ne se montre, et l'on ne voit
qu'une vaste etendue de verdure vivante. Du nord au sud, de l'est a
l'ouest, s'etend l'herbe de la prairie, verte comme l'emeraude, et unie
comme la surface d'un lac endormi. Le vent rase la plaine, agitant l'herbe
soyeuse; tout est en mouvement, et les taches d'ombre et de lumiere qui
courent sur la verdure ressemblent aux nuages pommeles fuyant devant le
soleil d'ete. Aucun obstacle n'arrete le regard qui rencontre par hasard
la forme sombre et herissee d'un buffalo, ou la silhouette deliee d'une
antilope; parfois il suit au loin le galop rapide d'un cheval sauvage
blanc comme la neige. Cette contree est la bonne prairie, l'inepuisable
paturage du bison.
La scene change. Le terrain n'est plus uni, mais il est toujours verdoyant
et sans arbres. La surface affecte une serie d'ondulations paralleles,
s'enflant ca et la en douces collines arrondies. Elle est couverte d'un
doux tapis de brillante verdure. Ces ondulations rappellent celles de
l'Ocean apres une grande tempete, lorsque les frises d'ecume ont disparu
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