cautions
que nous avions prises de ne laisser aucun vestige da notre passage,
nous etions hors de l'atteinte de ceux qui nous poursuivaient. Nous
fimes halte, et je sortis pour la premiere fois l'enfant de sa hotte. La
pauvre petite etait affreusement changee, elle n'avait cesse depuis ie
moment de l'enlevement de pleurer et d'appeler a grands cris sa
mere, son pere, tous ceux enfin de qui elle pouvait esperer quelque
protection. La frayeur qu'elle eprouva en apercevant nos figures est
encore presente a ma memoire, elle cacha son visage dans ses deux
petites mains, et se mit a pousser des cria dechirants en appelant
encore maman, maman. Je fus oblige de la menacer pour lui faire prendre
quelque nourriture qu'elle avait jusqu'alors presque toujours refusee.
Je tenais l'enfant sur mes genoux et la sentais trembler d'effroi. Je
revois encore ses beaux yeux charges de larmes qui nous imploraient tour
a tour d'un air suppliant, pendant que la peur lui faisait etouffer des
sanglots, et que sa petite bouche ne s'ouvrait que pour nous demander sa
mere. Au lieu d'en avoir pitie, j'eus la ferocite de lever la main sur
elle et lui defendis d'une voix terrible de ne jamais prononcer ce nom
devant moi, puis je l'etendis sur un lit que j'avais fait preparer par
Paulo, car veritablement je commencais a craindre que l'enfant ne mourut
epuisee par ses larmes et que ma vengeance ne fut ainsi qu'a moitie
satisfaite.
Elle s'endormit enfin et bien longtemps pendant son sommeil des soupirs
vinrent soulever sa poitrine. Lorsqu'elle s'eveilla quelques heures
apres, ce fut d'une voix triste et timide qu'elle me demanda a manger.
Pendant qu'elle dormait j'avais prepare pour elle nos meilleurs
aliments. Ce n'etait certes pas par tendresse que je l'avais fait, car
je sentais au dedans de moi une telle fureur contre l'enfant d'Octave,
que je l'eusse saisie par les pieds et lui eus broye la tete sur un
rocher; mais mon desir de leur faire du mal n'etait pas encore au tiers
satisfait. Il me fallait prolonger la souffrance et leur voir boire le
calice de la douleur jusqu'a la lie.
Enfin, lorsqu'elle eut pris son repas, je l'installai de nouveau dans la
hotte. La pauvre petite se laissa faire sans meme proferer une parole;
mais la regard suppliant qu'elle tournait de temps a autre sur Paulo et
sur moi, nous demandait grace. Nous continuames notre route allant vers
le nord. Je presumais que la poursuite s'etait plutot dirigee au sud,
parce qu'un
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