'ils absorbaient les brulait rapidement, et ils mouraient bientot,
epuises, fletris, devores.
Tel fut le sort de la fameuse tulipe, qui s'etiola apres quelques jours
de splendeur!
Il en fut bientot de meme des animaux domestiques, depuis le chien de la
maison jusqu'au porc de l'etable, depuis le serin de la cage jusqu'au
dindon de la basse-cour.
Il convient de dire que ces animaux, en temps ordinaire, etaient non
moins flegmatiques que leurs maitres. Chiens ou chats vegetaient plutot
qu'ils ne vivaient. Jamais un fremissement de plaisir, jamais un
mouvement de colere. Les queues ne remuaient pas plus que si elles
eussent ete de bronze. On ne citait, depuis un temps immemorial, ni un
coup de dent ni un coup de griffe. Quant aux chiens enrages, on les
regardait comme des betes imaginaires, a ranger avec les griffons et
autres dans la menagerie de l'Apocalypse.
Mais, pendant ces quelques mois, dont nous cherchons a reproduire les
moindres accidents, quel changement! Chiens et chats commencerent a
montrer les dents et les griffes. Il y eut quelques executions a la
suite d'attaques reiterees. On vit pour la premiere fois un cheval
prendre le mors aux dents et s'emporter dans les rues de Quiquendone,
un boeuf se precipiter, cornes baissees, sur un de ses congeneres, un
ane se renverser, les jambes en l'air, sur la place Saint-Ernuph, et
pousser des braiments qui n'avaient plus rien "d'animal", un mouton, un
mouton lui-meme, defendre vaillamment contre le couteau du boucher les
cotelettes qu'il portait en lui!
Le bourgmestre van Tricasse fut contraint de rendre des arretes de
police concernant les animaux domestiques qui, pris de folie, rendaient
peu sures les rues de Quiquendone.
Mais, helas! si les animaux etaient fous, les hommes n'etaient plus
sages. Aucun age ne fut epargne par le fleau.
Les bebes devinrent tres-promptement insupportables, eux jusque la si
faciles a elever, et, pour la premiere fois, le grand-juge Honore Syntax
dut appliquer le fouet a sa jeune progeniture.
Au college, il y eut comme une emeute, et les dictionnaires tracerent de
deplorables trajectoires dans les classes. On ne pouvait plus tenir les
eleves renfermes, et, d'ailleurs, la surexcitation gagnait jusqu'aux
professeurs eux-memes, qui les accablaient de pensums extravagants.
Autre phenomene! Tous ces Quiquendoniens, si sobres jusqu'alors, et qui
faisaient des cremes fouettees leur alimentation principale,
commettaient de verit
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