exigeait plus l'attention.
A la sortie, elle courut a la maison de mere Francoise, mais comme
elle eut la mauvaise chance de tomber sur la tante, elle n'alla
pas plus loin que le seuil de la porte.
"Voir Rosalie, pourquoi faire? Le medecin a dit qu'il ne fallait
pas l'eluger. Quand elle se levera, elle vous racontera comment
elle s'est fait estropier, l'imbecile!"
La facon dont elle avait ete accueillie le matin l'empecha de
revenir le soir; puisque certainement elle ne serait pas mieux
recue, elle n'avait qu'a rentrer dans son ile qu'elle avait hate
de revoir. Elle la retrouva telle qu'elle l'avait quittee, et ce
jour-la n'ayant pas de menage a faire, elle put souper tout de
suite. Elle s'etait promis de prolonger ce souper; mais si petits
qu'elle coupat ses morceaux de pain, elle ne put pas les
multiplier indefiniment, et quand il ne lui en resta plus, le
soleil etait encore haut a l'horizon; alors, s'asseyant au fond de
l'aumuche sur le billot, la porte ouverte, ayant devant elle
l'etang et au loin les prairies coupees de rideaux d'arbres, elle
reva au plan de vie qu'elle devait se tracer.
Pour son existence materielle, trois points principaux d'une
importance capitale se presentaient: le logement, la nourriture,
l'habillement.
Le logement, grace a la decouverte qu'elle avait eu l'heureuse
chance de faire de cette ile, se trouvait assure au moins jusqu'en
octobre, sans qu'elle eut rien a depenser.
Mais la question de nourriture et d'habillement ne se resolvait
pas avec cette facilite.
Etait-il possible que pendant des mois et des mois, une livre de
pain par jour fut un aliment suffisant pour entretenir les forces
qu'elle depensait dans son travail? Elle n'en savait rien, puisque
jusqu'a ce moment elle n'avait pas travaille serieusement; la
peine, la fatigue, les privations, oui, elle les connaissait,
seulement c'etait par accident, pour quelques jours malheureux
suivis d'autres qui effacaient tout; tandis que le travail repete,
continu, elle n'avait aucune idee de ce qu'il pouvait etre, pas
plus que des depenses qu'il exigeait a la longue. Sans doute, elle
trouvait que depuis deux jours ses repas tournaient court; mais ce
n'etait la, en somme, qu'un ennui pour qui avait connu comme elle
le supplice de la faim; qu'elle restat sur son appetit n'etait
rien, si elle conservait la sante et la force. D'ailleurs, elle
pourrait bientot augmenter sa ration, et aussi mettre sur son pain
un peu de beurre, un m
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