elle demanda, apres avoir remercie
son pere, qu'il luy donnast du temps pour y penser. Elle alla par hazard
se promener dans le meme bois ou elle avoit trouve Riquet a la houppe,
pour rever plus commodement a ce qu'elle avoit a faire. Dans le tems
qu'elle se promenoit, revant profondement, elle entendit un bruit sourd
sous ses pieds, comme de plusieurs personnes qui vont & viennent & qui
agissent. Ayant preste l'oreille plus attentivement, elle ouit que l'un
disoit apporte-moy cette marmite, l'autre donne-moy cette chaudiere,
l'autre mets du bois dans ce feu. La terre s'ouvrit dans le meme temps,
& elle vit sous ses pieds comme une grande Cuisine pleine de Cuisiniers,
de Marmitons & de toutes sortes d'Officiers necessaires pour faire un
festin magnifique. Il en sortit une bande de vingt ou trente Rotisseurs,
qui allerent se camper dans une allee du bois autour d'une table fort
longue, & qui tous, la lardoire a la main, & la queue de Renard sur
l'oreille, se mirent a travailler en cadence au son d'une Chanson
harmonieuse. La Princesse estonnee de ce spectacle, leur demanda pour
qui ils travailloient. C'est, Madame, luy repondit le plus apparent de
la bande, pour le Prince Riquet a la houppe, dont les nopces se feront
demain. La Princesse encore plus surprise qu'elle ne l'avoit este, & se
resouvenant tout a coup qu'il y avoit un an qu'a pareil jour, elle avoit
promis d'epouser le Prince Riquet a la houppe, elle pensa tomber de son
haut. Ce qui faisoit qu'elle ne s'en souvenoit pas, c'est que quand elle
fit cette promesse, elle estoit une bete, & qu'en prenant le nouvel
esprit que le Prince luy avoit donne, elle avoit oublie toutes ses
sottises. Elle n'eut pas fait trente pas en continuant sa promenade, que
Riquet a la houppe se presenta a elle, brave, magnifique, & comme un
Prince qui va se marier. Vous me voyez, dit-il, Madame, exact a tenir ma
parole, & je ne doute point que vous ne veniez ici pour executer la
vostre, & me rendre, en me donnant la main, le plus heureux de tous les
hommes. Je vous avoueeray franchement, repondit la Princesse, que je n'ay
pas encore pris ma resolution la-dessus, & que je ne croy pas pouvoir
jamais la prendre telle que vous la souehaitez. Vous m'etonnez, Madame,
lui dit Riquet a la houppe: Je le croy, dit la Princesse, & assurement
si j'avois affaire a un brutal, a un homme sans esprit, je me trouverais
bien embarassee. Une Princesse n'a que sa parole, me diroit-il, & il
faut que vous m'epo
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