r ne pas manquer leur coup, de
les mener bien plus loin que la premiere fois. Ils ne purent parler de
cela si secrettement qu'ils ne fussent entendus par le petit Poucet, qui
fit son compte de sortir d'affaire comme il avoit deja fait; mais quoy
qu'il se fut leve de bon matin pour aller ramasser des petits cailloux,
il ne put en venir a bout, car il trouva la porte de la maison fermee a
double tour. Il ne scavoit que faire lors que la Bucheronne leur ayant
donne a chacun un morceau de pain pour leur dejeune, il songea qu'il
pourroit se servir de son pain au lieu de cailloux en le jettant par
miettes le long des chemins ou ils passeroient, il le serra donc dans sa
poche. Le Pere & la Mere les menerent dans l'endroit de la Forest le
plus epais & le plus obscur, & des qu'ils y furent ils gagnerent un faux
fuyant & les laisserent la. Le petit Poucet ne s'en chagrina pas
beaucoup, parce qu'il croyait retrouver aisement son chemin par le moyen
de son pain qu'il avoit seme par tout ou il avoit passe; mais il fut
bien supris lors qu'il ne put en retrouver une seule miette, les Oiseaux
etoient venus qui avoient tout mange. Les voyla donc bien affliges, car
plus ils marchoient plus ils s'egaroient, & s'enfoncoient dans la
Forest. La nuit vint, & il s'eleva un grand vent qui leur faisoit des
peurs epouventables. Ils croyoient n'entendre de tous cotes que les
heurlemens de Loups qui venoient a eux pour les manger. Ils n'osoient
presque se parler ny tourner la teste. Il survint une grosse pluye qui
les perca jusqu'aux os; ils glissoient a chaque pas & tomboient dans la
bouee, d'ou ils se relevoient tout crottes, ne scachant que faire de
leurs mains. Le petit Poucet grimpa au haut d'un Arbre pour voir s'il ne
decouvriroit rien; ayant tourne la teste de tous costes, il vit une
petite lueur comme d'une chandelle, mais qui estoit bien loin par de-la
la Forest. Il descendit de l'arbre; & lors qu'il fut a terre il ne vit
plus rien; cela le desola. Cependant ayant marche quelque temps avec ses
freres du coste qu'il avoit veu la lumiere, il la revit en sortant du
Bois. Ils arriverent enfin a la maison ou estoit cette chandelle, non
sans bien des frayeurs, car souvent ils la perdoient de veue, ce qui
leur arrivoit toutes les fois qu'ils descendoient dans quelques fonds.
Ils heurterent a la porte, & une bonne femme vint leur ouvrir. Elle leur
demanda ce qu'ils vouloient, le petit Poucet luy dit, qu'ils etoient de
pauvres enfans qui s'estoient p
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