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Ou le Po s'echappant de dessous ses roseaux,
Va dans le sein des prochaines Campagnes,
Promener ses naissantes eaux,
Vivoit un jeune et vaillant Prince,
Les delices de sa Province.
Le Ciel en le formant, sur lui tout a la fois,
Versa ce qu'il a de plus rare,
Ce qu'entre ses Amis d'ordinaire il separe,
Et qu'il ne donne qu'aux grands Rois.
Comble de tous les dons & du corps & de l'Ame,
Il fut robuste, adroit, propre au metier de Mars,
Et par l'instinct secret d'une divine flame,
Avec ardeur il aima les beaux arts.
Il aima les combats, il aima la Victoire,
Les grands projets, les actes Valeureux,
Et tout ce qui fait vivre un beau nom dans l'Histoire;
Mais son coeur tendre & genereux
Fut encor plus sensible a la solide gloire
De rendre ses peuples heureux.
Ce temperament Heroique
Fut obscurci d'une sombre vapeur
Qui chagrine & melancolique,
Lui faisoit voir dans le fond de son Coeur,
Tout le beau sexe infidelle & trompeur.
Dans la femme, ou brilloit le plus rare merite,
Il voyoit une ame hipocrite,
Un Esprit d'orgueil enivre,
Un cruel ennemi qui sans cesse n'aspire
Qu'a prendre un souverain Empire
Sur l'Homme malheureux qui lui sera livre.
Le frequent usage du Monde,
Ou l'on ne voit qu'Epoux subjuguez ou trahis,
Joint a l'air jaloux du Pais,
Accrut encor cette haine profonde.
Il jura donc plus d'une fois
Que quand meme le Ciel pour lui plein de tendresse,
Formeroit une autre Lucrece,
Jamais de l'himenee il ne suivroit les Loix.
Ainsi, quand le matin, qu'il donnoit aux affaires,
Il avoit regle sagement
Toutes les choses necessaires
Au bonheur du Gouvernement,
Que du foible orphelin, de la veuve oppressee,
Il avoit conserve les droits,
Ou banni quelque impot qu'une guerre forcee
Avoit introduit autrefois;
L'autre moitie de la journee
A la Chasse etoit destinee,
Ou les Sangliers & les Ours,
Malgre leur fureur & leurs Armes
Lui donnoient encor moins d'allarmes
Que le sexe charmant qu'il evitoit toujours.
Cependant ses sujets que leur interet presse
De s'asseurer d'un Successeur
Qui les gouverne un jour avec meme douceur,
A leur donner un fils le convioient sans cesse.
Un jour dans le Palais ils vinrent tou
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