iere.
Le Prince, avec transport, dans le bois se glissant,
Contemple les beautez dont son Ame est emeuee,
Mais le bruit qu'il fait en passant
De la belle sur lui fit detourner la veuee;
Des qu'elle se vit appercuee,
D'un brillant incarnat la prompte & vive ardeur,
De son beau teint redoubla la splendeur,
Et sur son visage epandeuee,
Y fit triompher la pudeur.
Sous le voile innocent de cette honte aimable,
Le Prince decouvrit une simplicite,
Une douceur, une sincerite,
Dont il croyoit le beau sexe incapable,
Et qu'il voyait dans toute leur beaute.
Saisi d'une frayeur pour lui toute nouvelle,
Il s'approche interdit, & plus timide qu'elle,
Lui dit d'une tremblante voix,
Que de tous ses veneurs il a perdu la trace,
Et lui demande si la chasse
N'a point passe quelque part dans le bois.
Rien n'a paru, Seigneur, dans cette solitude,
Dit-elle, & nul ici que vous seul n'est venu;
Mais n'ayez point d'inquietude,
Je remettrai vos pas sur un chemin connu.
De mon heureuse destinee
Je ne puis, lui dit-il, trop rendre grace aux Dieux,
Depuis long-tems je frequente ces lieux,
Mais j'avois ignore jusqu'a cette journee
Ce qu'ils ont de plus precieux.
Dans ce tems elle voit que le Prince se baisse
Sur le moitte bord du ruisseau,
Pour etancher dans le cours de son eau
La soif ardente qui le presse;
Seigneur, attendez un moment,
Dit-elle, & courant promptement
Vers sa cabane, elle y prend une tasse,
Qu'avec joye & de bonne grace,
Elle presente a ce nouvel Amant.
Les vases precieux de cristal & d'agathe
Ou l'or en mille endroits eclatte,
Et qu'un art curieux avec soin faconna:
N'eurent jamais pour lui, dans leur pompe inutile,
Tant de beaute que le vase d'argile
Que la Bergere lui donna.
Cependant pour trouver une route facile,
Qui mene le Prince a la Ville,
Ils traversent des bois, des rochers escarpez
Et de torrents entrecoupez,
Le Prince n'entre point dans de route nouvelle
Sans en bien observer, tous les lieux d'alentour;
Et son ingenieux Amour
Qui songeoit au retour
En fit une carte fidelle.
Dans un boccage sombre & frais
Enfin la Bergere le meine,
Ou, de dessous ses branchages epais
Il voit au loin dans le sein de la plaine
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