samment.
Elle voulut la nourrir elle-meme,
Ah! dit-elle, comment m'exempter de l'emploi
Que ses cris demandent de moi,
Sans une ingratitude extreme;
Par un motif de Nature ennemi
Pourrois-je bien vouloir de mon Enfant que j'aime,
N'etre la Mere qu'a demi.
Soit que le Prince eut l'ame un peu moins enflamme
Qu'aux premiers jours de son ardeur,
Soit que de sa maligne humeur
La masse se fut rallumee,
Et de son epaisse fumee
Eut obscurci ses sens et corrompu son Coeur;
Dans tout ce que fait la Princesse,
Il s'imagine voir peu de sincerite,
Sa trop grande vertu le blesse,
C'est un piege qu'on rend a sa credulite;
Son Esprit inquiet & de trouble agite
Croit tous les soupcons qu'il ecoute,
Et prend plaisir a revoquer en doute
L'excez de sa felicite.
Pour guerir les chagrins dont son ame est atteinte
Il la suit, il l'observe, il aime a la troubler
Par les ennuys de la contrainte,
Par les alarmes de la crainte,
Par tout ce qui peut demeler
La verite d'avec la feinte.
C'est trop, dit-il, me laisser endormir,
Si ses vertus sont veritables
Les traitemens les plus insupportables,
Ne feront que les affermir.
Dans son Palais il la tient reserree,
Loin de tous les plaisirs qui naissent a la Cour,
Et dans sa chambre, ou seule elle vit retiree,
A peine il laisse entrer le jour.
Persuade que la Parure
Et le superbe ajustement
Du sexe, que pour plaire a forme la Nature
Est le plus doux enchantement.
Il lui demande avec rudesse
Les Perles, les Rubis, les Bagues, les Bijoux
Qu'il lui donna pour marque de tendresse,
Lorsque de son Amant il devint son Epoux.
Elle dont la vie est sans tache,
Et qui n'a jamais eu d'attache
Qu'a s'acquiter de son devoir,
Les lui donne sans s'emouvoir.
Et meme le voyant se plaire a les reprendre,
N'a pas moins de joye a les rendre
Qu'elle en eut a les recevoir.
Pour m'eprouver mon Epoux me tourmente,
Dit-elle, & je voi bien qu'il ne me fait souffrir,
Qu'afin de reveiller ma vertu languissante,
Qu'un doux & long repos pourrait faire perir.
S'il n'a pas ce dessein, du moins suis-je assuree
Que telle est du Seigneur la conduite sur moi;
Et que de tant de maux l'ennuyeuse duree,
N'est que pour
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