uvelle;
Ensuite sans marquer ni chagrin ni douleur,
Il avertit son Epouze fidelle,
Qu'il faut qu'il se separe d'elle
Pour eviter un extreme malheur;
Que le peuple indigne de sa basse naissance
Le force a prendre ailleurs une digne alliance.
Il faut, dit-il, vous retirer
Sous votre toit de chaume & de fougere
Apres avoir repris vos habits de Bergere,
Que je vous ai fait preparer.
Avec une tranquile & muette constance,
La Princesse entendit prononcer sa sentence;
Sous les dehors d'un visage serain
Elle devoroit son chagrin,
Et sans que la douleur diminuat ses charmes,
De ses beaux yeux tomboient de grosses larmes,
Ainsi que quelquefois au retour du Printems,
Il fait soleil, & pleut en meme tems.
Vous etes mon Epoux, mon Seigneur, & mon Maitre,
(Dit-elle en soupirant, prete a s'evanoueir,)
Et quelque affreux que soit ce que je viens d'ouir,
Je saurai vous faire connoitre
Que rien ne m'est si cher que de vous obeir.
Dans sa chambre aussi-tot seule elle se retire
Et la se depoueillant de ses riches habits,
Elle reprend paisible & sans rien dire,
Pendant que son coeur en soupire,
Ceux qu'elle avoit en gardant ses Brebis.
En cet humble & simple equipage,
Elle aborde le Prince & lui tient ce langage.
Je ne puis m'eloigner de vous
Sans le pardon d'avoir su vous deplaire,
Je puis souffrir le poids de ma misere,
Mais je ne puis, Seigneur, souffrir votre courroux.
Accordez cette grace a mon regret sincere,
Et je vivrai contente en mon triste sejour,
Sans que jamais le tems altere
Ni mon humble respect, ni mon fidelle amour.
Tant de soumission, & tant de grandeur d'ame
Sous un si vil habillement,
Qui dans le coeur du Prince en ce meme moment
Raveilla tous les traits de sa premiere flame,
Alloient casser l'arret de son bannissement.
Emu par de si puissants charmes,
Et pret a repandre des larmes,
Il commencoit a s'avancer,
Pour l'embrasser.
Quand tout a coup l'imperieuse gloire,
D'etre ferme en son sentiment
Sur son amour remporta la victoire,
Et le fit en ces mots repondre durement.
De tout le temps passe j'ai perdu la memoire,
Je suis content de votre repentir,
Allez il est tems de partir.
Elle part aussi-tot, & regardant son Pere,
Qu'on avoit revetu de son rustique
|