entend,
Qui scavez que c'est la maniere
Dont quelque chose est invente,
Qui beaucoup plus que la matiere,
De tout recit fait la beaute,
Vous aimerez ma Fable & sa moralite;
J'en ai, j'ose le dire, une assurance entiere.
Il etoit une fois un pauvre Bucheron,
Qui las de sa penible vie,
Avoit, disoit-il, grande envie
De s'aller reposer aux bords de l'Acheron,
Representant dans sa douleur profonde,
Que depuis qu'il etoit au monde,
Le Ciel cruel n'avoit jamais
Voulu remplir un seul de ses souhaits.
Un jour que dans le bois il se mit a se plaindre,
A lui la foudre en main Jupitre s'apparut.
On auroit peine a bien depeindre
La peur que le bonhomme en eut.
Je ne veux rien, dit-il, en se jettant par terre,
Point de souhaits, point de Tonnerre,
Seigneur, demeurons but a but.
Cesse d'avoir aucune crainte,
Je viens, dit Jupiter, touche de ta complainte,
Te faire voir le tort que tu me fais.
Ecoute donc, je te promets,
Moi qui du monde entier suis le Souverain Maitre,
D'exaucer pleinnement les trois premiers souhaits
Que tu voudras former sur quoi que ce puisse etre
Voi ce qui peut te rendre heureux,
Voi ce qui peut te satisfaire,
Et comme ton bonheur depend tout de tes voeux,
Songes y bien avant que de les faire.
A ces mots Jupiter dans les Cieux remonta,
Et le gay Bucheron embrassant sa falourde,
Pour retourner chez lui sur son dos la jetta.
Cette charge jamais ne lui parut moins lourde,
Il ne faut pas, disoit-il en trottant,
Dans tout ceci rien faire a la legere
Il faut, le cas est important,
En prendre avis de notre Menagere,
C'a, dit-il en entrant sous son toit de feugere,
Faisons, Fanchon, grand feu, grand'chere,
Nous sommes riches desormais,
Et nous n'avons qu'a faire des souhaits.
La dessus fort au long tout se fait il lui conte.
A ce recit, l'Epouse vive & prompte,
Forma dans son esprit mille vastes projets,
Mais considerant l'importance
De s'y conduire avec prudence,
Blaise, mon cher Ami, dit-elle a son Epoux,
Ne gatons rien par notre impatience,
Examinons bien entre nous
Ce qu'il faut faire en pareille occurrence.
Remettons a demain notre premier souhait,
Et consultons notre chevet.
Je l'entens bien ainsi, dit le bonhomme Blaise,
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