trefois amoureux
Avoit avec le temps purifie les feux
Dont son ame etoit embrasee,
Il en avoit banni tout desir criminel
Et de cette odieuse flamme
Le peu qui restoit dans son ame
N'en rendoit que plus vif son amour paternel.
Des qu'il la vit, que benit soit le Ciel
Qui veut bien que je te revoye,
Ma chere enfant, dit-il, &, tout pleurant de joye
Courut tendrement l'embrasser;
Chacun a son bonheur voulut s'interesser,
Et le futur Espoux etoit ravi d'apprendre
Que d'un Roi si puissant il devenoit le Gendre.
Dans ce moment la Maraine arriva
Qui raconta toute l'histoire,
Et par son recit acheva
De combler Peau d'Asne de gloire.
Il n'est pas malaise de voir
Que le but de ce conte est qu'un Enfant apprenne
Qu'il vaut mieux s'exposer a la plus rude peine
Que de manquer a son devoir.
Que la Vertu peut etre infortunee
Mais qu'elle est toujours couronnee.
Que contre un fol amour & ses fougueux transports
La Raison la plus forte est une foible digue,
Et qu'il n'est point de si riches thresors
Dont un Amant ne soit prodigue.
Que de l'eau claire & du pain bis
Suffisent pour la nourriture
De toute jeune Creature,
Pourvu qu'elle ait de beaux habits.
Que sous le Ciel il n'est point de femelle
Qui ne s'imagine etre belle,
Et qui souvent ne s'imagine encor
Que si des trois Beautez la fameuse querelle,
S'etoit demelee avec elle
Elle auroit eu la pomme d'or.
Le Conte de Peau d'Asne est difficile a croire,
Mais tant que dans le Monde on aura des Enfans,
Des Meres & des Meres-grands,
On en gardera la memoire.
LES SOUHAITS RIDICULES.
_CONTE._
A MADEMOISELLE DE LA C.
PAR MR. PERRAULT, DE L'ACADEMIE FRANCOISE.
Si vous etiez moins raisonnable,
Je me garderois bien de venir vous conter
La folle & peu galante Fable,
Que je m'en vais vous debiter.
Une aune de Boudin en fournit la matiere.
Une aune de Boudin, ma chere:
Quelle pitie! c'est une horreur,
S'ecrieroit une Pretieuse,
Qui toujours tendre & serieuse,
Ne veut ouir parler que d'affaires de coeur.
Mais vous, qui mieux qu'autre qui vive,
Scavez charmer en racontant,
Et dont l'expression est toujours si naive,
Que l'on croit voir ce qu'on
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