'meres. La
fable du laboureur qui obtint de Jupiter le pouvoir de faire, comme il
lui plairoit, la pluie et le beau temps, et qui en usa de telle sorte
qu'il ne recueillit que de la paille sans aucuns grains, parce qu'il
n'avoit jamais demande ni vent, ni froid, ni neige, ni aucun temps
semblable, chose necessaire cependant pour faire fructifier les plantes;
cette fable, dis-je, est de meme genre que le conte des Souhaits
ridicules, si ce n'est que l'un est serieux et l'autre comique; mais
tous les deux vont a dire que les hommes ne connoissent pas ce qui leur
convient, et sont plus heureuz d'etre conduits par la Providence, que si
toutes choses leur succedoient selon qu'ils le desirent.
Je ne crois pas qu'ayant devant moi de si beaux modeles, dans la plus
sage et la plus docte antiquite, on soit en droit de me faire aucun
reproche. Je pretends meme que mes fables meritent mieux d'etre
racontees que la plupart des contes anciens, et particulierement celui
de la Matrone d'Ephese et celui de Psyche, si on les regarde du cote de
la morale, chose principale dans toutes sortes de fables, et pour
laquelle elles doivent avoir ete faites. Toute la moralite qu'on peut
tirer de la Matrone d'Ephese est que souvent les femmes qui semblent les
plus vertueuses le sont le moins, et qu'ainsi il n'y en a presque point
qui le soient veritablement.
Qui ne voit que cette morale est tres-mauvaise, et qu'elle ne va qu'a
corrompre les femmes par le mauvais exemple, et a leur faire croire
qu'en manquant a leur devoir elles ne font que suivre la voie commune?
Il n'en est pas de meme de la morale de Griselidis, qui tend a porter
les femmes a souffrir de leurs maris, et a faire voir qu'il n'y en a
point de si brutal ni de si bizarre dont la patience d'une honnete femme
ne puisse venir a bout.
A l'egard de la morale cachee dans la fable de Psyche, fable en
elle-meme tres-agreable et tres-ingenieuse, je la comparerai avec celle
de Peau d'Ane, quand je la saurai; mais, jusqu'ici, je n'ai pu la
deviner. Je sais bien que Psyche signifie l'ame; mais je ne comprends
point ce qu'il faut entendre par l'Amour, qui est amoureux de Psyche,
c'est-a-dire de l'ame, et encore moins ce qu'on ajoute, que Psyche
devoit etre heureuse tant qu'elle ne connoitroit point celui dont elle
etoit aimee, qui etoit l'Amour; mais qu'elle seroit tres-malheureuse des
le moment qu'elle viendroit a le connoitre: voila pour moi une enigme
impenetrable. Tout ce qu'on peut dire
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