de bonnes inclinations.
J'aurois pu rendre mes contes plus agreables, en y melant certaines
choses un peu libres dont on a accoutume de les egayer; mais le desir de
plaire ne m'a jamais assez tente pour violer une loi que je me suis
imposee, de ne rien ecrire qui put blesser ou la pudeur, ou la
bienseance. Voici un madrigal qu'une jeune demoiselle de beaucoup
d'esprit a compose sur ce sujet, et qu'elle a ecrit au-dessous du conte
de Peau d'Ane que je lui avois envoye:
Le conte de Peau d'Ane est ici raconte
Avec tant de naivete,
Qu'il ne m'a pas moins divertie
Que quand, aupres du feu, ma nourrice ou ma mie
Tenoient en le faisant mon esprit enchante.
On y voit par endroits quelques traits de satire,
Mais qui, sans fiel et sans malignite,
A tous egalement font du plaisir a lire.
Ce qui me plait encor dans sa simple douceur
C'est qu'il divertit et fait rire,
Sans que mere, epoux, confesseur,
Y puissent trouver a redire.
[Footnote 100: From the Griselidis of 1695.]
PEAU D'ASNE.
_CONTE._
A MADAME LA MARQUISE DE L.
PAR MR. PERRAULT, DE L'ACADEMIE FRANCOISE.
Il est des gens de qui l'esprit guinde,
Sous un front jamais deride
Ne souffre, n'approuve & n'estime
Que le pompeux & le sublime;
Pour moi, j'ose poser en fait
Qu'en de certains momens l'esprit le plus parfait
Peut aimer sans rougir jusqu'aux Marionnettes;
Et qu'il est des tems & des lieux
Ou le grave & le serieux
Ne vallent pas d'agreables sornettes.
Pourquoi faut-il s'emerveiller
Que la Raison la mieux sensee,
Lasse souvent de trop veiller,
Par des contes d'Ogre[101] & de Fee
Ingenieusement bercee,
Prenne plaisir a sommeiller,
Sans craindre donc qu'on me condamne
De mal employer mon loisir,
Je vais, pour contenter votre juste desir,
Vous conter tout au long l'histoire de Peau D'Asne.
[Footnote 101: Homme Sauvage qui mangeoit les petits enfans.]
* * * * *
Il etoit une fois un Roi
Le plus grand qui fut sur la Terre,
Aimable en Paix, terrible en Guerre,
Seul enfin comparable a soi:
Ses voisins le craignoient, ses Etats etoient calmes,
Et l'on voyoit de toutes parts
Fleurir, a l'ombre de ses palmes
Et les Vertus & les beaux Arts.
Son aimable Moitie, sa Compagne fidelle,
Etoit si cha
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