violentes, il fondit en larmes; et lui tendant la main avec effusion:
"Jean, lui dit-il, vous avez raison. Vous avez un grand coeur, et moi
je suis un lache, un miserable. Demandez pardon pour moi a cette pauvre
femme dont je ne suis pas digne."
Cette franche et noble resolution termina la querelle, et gagna meme le
coeur sincere de Jean.
"A la bonne heure, dit-il en mettant la main de Marthe dans celle
d'Horace, vous etes meilleur que je ne croyais, Horace; il est beau de
savoir reconnaitre ses torts aussi vite et aussi genereusement que vous
venez de le faire. Certainement Marthe ne demande qu'a les oublier."
Et il s'enfuit dans sa chambre, soit pour n'etre pas temoin de la joie
de Marthe, soit pour cacher l'essor d'une sensibilite qu'il etait
habitue a reprimer.
Malgre ce beau denouement, des scenes semblables se repeterent bientot,
et devinrent de plus en plus frequentes. Horace aimait la dissipation;
il y cedait avec une legerete effrenee. Il ne pouvait plus passer une
seule soiree chez lui; il ne vivait qu'au parterre des Italiens et de
l'Opera. La il etait condamne a ne point briller; mais c'etait pour lui
une jouissance que de lever les yeux sur ces femmes qui etalent, dans
les loges, leur beaute ou leur luxe devant une foule de jeunes gens
pauvres, avides de plaisir, d'eclat et de richesse. Il connaissait par
leurs noms toutes les femmes a la mode dont les titres, l'argent
et l'orgueil semblaient mettre une barriere infranchissable a sa
convoitise. Il connaissait leurs loges, leurs equipages et leurs amants;
il se tenait au bas de l'escalier pour les voir defiler devant lui
lentement, les epaules mal cachees par des fourrures qui tombaient
parfois tout a fait en l'effleurant, et qui bravaient audacieusement
l'audace de ses regards. Jean-Jacques Rousseau n'a rien dit de trop en
peignant l'impudence singuliere des femmes du grand monde; mais c'etait
une brutalite philosophique dont Horace ne songeait guere a etre
complice. Son ambition hardie n'etait pas blessee de ces regards froids
et provoquants par lesquels cette espece de femmes semble vous dire:
"Admirez, mais ne touchez pas." Le regard effronte d'Horace semblait
leur repondre: "Ce n'est pas a moi que vous diriez cela." Enfin, les
emotions de la scene, la puissance de la musique, la contagion des
applaudissements, tout, jusqu'a la fantasmagorie du decor et l'eclat
des lumieres, enivrait ce jeune homme, qui, apres tout, n'avait en cela
d'autre tor
|