s, et developpe le principe d'association.
Eugenie, j'irai les entendre precher."
Eugenie etait la sur son terrain; c'etait une adepte assez fervente de
la rehabilitation des femmes. Elle commenca a endoctriner son ami le
Masaccio, ce qu'elle n'avait pas fait encore; car elle etait de ces
esprits delicats et prudents qui ne risquent pas leur influence a moins
d'une occasion sure. Elle savait attendre comme elle savait choisir.
Elle ne m'avait pas parle dix fois de ses croyances saint-simoniennes;
mais elle ne l'avait jamais fait sans produire sur moi une grande
impression. Je connaissais mieux qu'elle peut-etre, par l'examen et par
la lecture, le fort et le faible de cette philosophie; mais j'admirais
toujours avec quelle purete d'intention et quelle finesse de tact elle
savait eliminer tacitement des discussions ou s'elaborait la doctrine
des adeptes secondaires, tout ce qui revoltait ses instincts nobles et
pudiques, pour conclure souvent _a priori_, des secretes elucubrations
des maitres, ce qui repondait a sa fierte naturelle, a sa droiture et a
son amour de la justice. Je me disais parfois que cette femme forte et
intelligente appelee par les _apotres_ a formuler les droits et les
devoirs de la femme, c'eut ete Eugenie. Mais, outre que sa reserve et sa
modestie l'eussent empechee de monter sur un theatre ou l'on jouait
trop souvent la comedie sociale au lieu du drame humanitaire, les
saint-simoniens, dans la deviation inevitable ou leurs principes se
trouvaient alors, l'eussent jugee, ceux-ci trop rigide, ceux-la
trop independante. Le moment n'etait pas venu. Le saint-simonisme
accomplissait une premiere phase, qui devait laisser une lacune avant la
seconde. Eugenie le sentait, et prevoyait qu'il faudrait encore dix
ans, vingt ans d'arret peut-etre, avant que la marche progressive du
saint-simonisme put etre reprise.
[Illustration: Jean, vous etes un grossier, un brutal.]
Paul Arsene, frappe de ce qu'elle lui fit entrevoir dans une premiere
conversation, alla ecouter les predications saint-simoniennes. Il se
lia avec de jeunes apotres; et sans avoir precisement le temps de
s'instruire, il se mit au courant de la discussion, et s'y forma un
jugement, des sympathies, des esperances. Ce fut une rapide et profonde
revolution dans la vie morale de cet enfant du peuple, qui jusque-la
n'etait pas sans prejuges, et qui des lors les perdit ou acquit du moins
la force de les combattre en lui-meme. L'amour qu'il nourriss
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