a Petrovna, venez dans votre appartement. C'est arrange a la
francaise par mon brave Derigny que voici, ajouta-t-il en le designant a
Mme Papofski, aide par sa femme et ses enfants; ils ont des idees et ils
sont adroits comme le sont tous les Francais. C'est une bonne et honnete
famille, pour laquelle je demande vos bontes."
Madame Papofski: "Comment donc, mon oncle, je les aime deja, puisque
vous les aimez. Bonjour, monsieur Derigny, ajouta-t-elle avec un sourire
force et un regard mefiant; nous serons bons amis, n'est-ce pas?"
Derigny salua respectueusement sans repondre.
Madame Papofski, durement: "Venez donc, enfants, vous allez faire
attendre votre oncle. Sonushka, marche a cote de ton oncle pour le
soutenir."
Le general: "Merci, bien oblige, je marche tout seul: je ne suis pas
encore tombe en enfance; Derigny ne me met ni lisieres ni bourrelet."
Madame Papofski, riant aux eclats: "Ah! mon oncle, comme vous etes
drole! Vous avez tant d'esprit!"
Le general: "Vraiment! c'est drole ce que j'al dit? Je ne croyais pas
avoir tant d'esprit."
Madame Papofski, l'embrassant: "Ah! mon oncle! vous etes si modeste!
vous ne connaissez pas la moitie, le quart de vos vertus et de vos
qualites!"
Le general, froidement: "Probablement, car je ne m'en connais pas. Mais
assez de sottises. Expliquez-moi comment vous avez laisse echapper votre
voiture, et pourquoi vous vous etes entasses dans votre fourgon comme
une troupe de comediens."
Les yeux de Mme Papofski s'allumerent, mais elle se contint et repondit
en riant:
"N'est-ce pas, mon cher oncle, que c'etait ridicule? Vous avez du rire
en nous voyant arriver."
Le general: "Ha, ha, ha! je crois bien que j'ai ri; j'en ris encore et
j'en rirai toujours: surtout de votre colere contre le pauvre courrier
qui a recu ses deux soufflets d'un air si etonne; c'est qu'ils etaient
donnes de main de maitre: on voit que vous en avez l'habitude."
Madame Papofski: "Que voulez-vous, mon oncle, il faut bien: huit
enfants, une masse de bonnes, de domestiques! Que peut faire une pauvre
femme separee d'un mari qui l'abandonne, sans protection, sans fortune?
Je suis bien heureuse de vous avoir, mon oncle, vous m'aiderez a
arranger...
--Vous n'avez pas repondu a ma question, ma niece, interrompit le
general avec froideur; pourquoi votre voiture est-elle arrivee avant
vous?"
Madame Papofski: "Pardon, mon bon oncle, pardon; je suis si heureuse
de vous voir, de vous entendre, qu
|