vant elle."
Le general se retourna; son visage devint flamboyant.
"Entre!" cria-t-il d'une voix tonnante.
Yegor entra.
Le general: "Dis a ta mere que, si elle s'avise de toucher a un seul
de mes Francais, qui sont mes amis, mes enfants,... entends-tu? mes...
en...fants! je la ferai fouetter elle-meme devant moi, jusqu'a ce
qu'elle n'ait plus de peau sur le dos. Va, petit gredin, petit menteur,
va rejoindre tes scelerats de freres et soeurs. Et prenez garde a vous;
si j'apprends qu'on ait maltraite mes petits amis Jacques et Paul, on
aura affaire a moi."
Yegor se retira effraye et tremblant; il courut dire a sa mere, a ses
freres et a ses soeurs ce qu'il venait d'entendre de la bouche de son
oncle.
Mme Papofski pleura de rage, les enfants fremirent d'epouvante.
Apres quelques minutes donnees a la colere, Mme Papofski se souvint des
six cent mille roubles de revenu de son oncle: elle reflechit et se
calma.
"Ecoutez-moi, dit-elle a ses enfants; je veux que vous soyez doux,
complaisants et meme aimables pour ces Francais. Si l'un de vous leur
dit ou leur fait la moindre injure, leur cause la moindre contrariete,
je le fouette sans pitie; et vous savez comme je fouette quand je suis
fachee!"
Les enfants fremirent et promirent de ne jamais contrarier les petits
Francais.
"Et, quand vous les verrez, vous leur demanderez pardon; entendez-vous?
--Oui, maman, repondirent les enfants en choeur.
--Et, quand vous causerez avec votre oncle, vous lui direz chaque fois
que vous aimez tous ces Francais.
--Oui, maman, repeterent les huit voix ensemble.
--C'est bien. Allez-vous-en."
Les enfants se retirerent dans leur chambre, et se regarderent quelque
temps sans parler.
"Je deteste ces Francais, dit enfin Anouchka, qui avait cinq ans.
--Et moi aussi, dirent Sashineka, Nikalai et Pavlouska.
--Chut! taisez-vous, dirent Sonushka et Mitineka; si elle vous
entendait, elle vous arracherait les cheveux."
La menace fit son effet; tous se turent.
"Il faudra tout de meme nous venger, dit Yegor, apres un nouveau
silence.
--Nous verrons ca, mais plus tard", repondit Mitineka a voix basse.
VI
LES PAPOFSKI SE DEVOILENT
Pendant que Mme Papofski donnait a ses enfants des conseils de faussete
et de platitude, conseils dont ses enfants ne devaient guere profiter,
comme on le verra plus tard, le general calmait Derigny, qui etait hors
de lui a la pensee des mauvais traitements qu'auraient pu souffr
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