-y de ma part, avec ma lettre. Il est bon comme
ceux qui sont forts, il vous donnera un vrai bon conseil. Vous etes
discret, vous ne lui prendrez que le temps qu'il pourra vous donner; et
vous avez le coeur droit,--cela, j'en suis sure,--vous profiterez de
ce qu'il vous dira. Moi j'ignore absolument comment on s'y prend pour
publier des morceaux detaches. Il vous renseignera a cet egard en deux
mots, et s'il vous dit, comme moi: "C'est trop tot!" croyez-le avec la
meme amenite que vous me temoignez.
GEORGE SAND.
DCXLIV
A GUSTAVE FLAUBERT, A CROISSET
Nohant, 18 aout 1867.
Ou es-tu, mon cher vieux? Si par hasard tu etais a Paris dans les
premiers jours de septembre, tache que nous nous voyions. J'y passe
trois jours et je reviens ici. Mais je n'espere pas t'y rencontrer. Tu
dois etre dans quelque beau pays, loin de Paris et de sa poussiere.
Je ne sais meme pas si ma lettre te joindra. N'importe, si tu peux me
donner de tes nouvelles, donne-m'en. Je suis au desespoir. J'ai perdu
tout a coup, et sans le savoir malade, mon pauvre cher vieux ami
Rollinat, un ange de bonte, de courage, de devouement. C'est un coup de
massue pour moi. Si tu etais la, tu me donnerais du courage; mais mes
pauvres enfants sont-aussi consternes que moi: nous l'adorions, tout le
pays l'adorait.
Porte-toi bien, toi, et pense quelquefois, aux amis absents. Nous
t'embrassons tendrement. La petite va tres bien, elle est charmante.
DCXLV
A MADAME ARNOULD-PLESSY, A PARIS
Nohant, 23 aout 1867.
Chere fille,
Je suis par terre. J'ai perdu inopinement, brutalement, mon vieux, mon
cher Rollinat, mon ange sur la terre. La destinee est feroce. J'en suis
malade et brisee. J'aurai le courage qu'il faut avoir, je sais bien que,
la ou il est, il est mieux. Sa vie etait ecrasante. C'est moi qui suis
frappee: c'est dans l'ordre de souffrir.
Je ne sais plus bien quand j'irai a Paris. Si j'y vas, je tacherai bien
d'aller a vous. Mais, en ce moment, je n'ai la force d'aucun projet
arrete. Je ne veux pas etre triste devant mes enfants. En apprenant
cette horrible nouvelle, ma pauvre Lina s'est evanouie. Elle est, entre
nous soit dit, enceinte. Maurice a ete bien affecte aussi, et tout le
monde au pays, car il etait si aime!
Je m'abrutis dans la poussiere de mes herbiers, car je ne peux pas
ecrire. Tout ce qui est reflexion me navre. Ces sciences naturelles
sont des se
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