t de sa cousine Villot.
Elle n'oublie pas, mais elle persiste dans ses idees de propriete sur
Fadet[1]. Elle est neanmoins tres bonne et tres aimante pour son age,
et, chaque jour, elle fait un progres extraordinaire. Cela m'effraye
bien un peu; je n'ose penser a ce que je deviendrais s'il fallait encore
perdre cet enfant-la; toute ma philosophie echoue!
N'y pensons pas; je m'etais jure de ne plus trop aimer, c'est
impossible. La passion me domine encore dans la fibre maternelle.
Heureux ceux qui aiment faiblement!
Mais je ne veux pas vous attrister, vous brisee aussi; nous sommes tres
heureux; tout va bien, et il me prend des terreurs. C'est injuste et
lache.
Dites-moi ce que vous faites, et si vous trouvez quelque part un peu de
fraicheur. Ici, la zone torride recommence; mais nous aimons tant le
chaud, que nous ne _voulons_ pas en sentir l'exces.
Dites nos tendresses a Frederic, et recevez-les toutes aussi.
G. SAND.
[1] Le chien legendaire de Nohant.
DCLXXVII
A GUSTAVE FLAUBEKT, A CROISSET
Paris, aout 1868
Pour le coup, cher ami, il y a une rafle sur les correspondances. De
tous les cotes, on me reproche a tort de ne pas repondre. Je t'ai ecrit
de Nohant, il y a environ quinze jours, que je partais pour Paris,
afin de m'occuper de _Cadio_:--et, je repars pour Nohant, demain des
l'aurore, pour revoir mon Aurore. J'ai ecrit, depuis huit jours,
quatre tableaux du drame, et ma besogne est finie jusqu'a la fin des
repetitions, dont mon ami et collaborateur, Paul Meurice, veut bien
se charger. Tous ses soins n'empechent pas que les debrouillages
du commencement ne soient qu'un affreux gachis. Il faut voir les
difficultes de monter une piece, pour y croire, et, si l'on n'est pas
cuirasse _d'humour_ et de gaiete interieure pour etudier la nature
humaine, dans les individus reels que va recouvrir la fiction, il y a de
quoi rager. Mais je ne rage plus, je ris; je connais trop tout ca, pour
m'en emouvoir et je t'en conterai de belles quand nous nous verrons.
Comme je suis optimiste quand meme, je considere le bon cote des choses
et des gens; mais la verite est que tout est mal et que tout est bien en
ce monde.
La pauvre THUILLIER n'est pas brillante de sante; mais elle espere
porter le fardeau du travail encore une fois. Elle a besoin de gagner sa
vie, elle est cruellement pauvre. Je te disais, dans ma lettre perdue,
que Sylvanie[1] avait passe quelques jours
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