ite.
Tu m'inquietes en me disant que ton livre accusera les patriotes de tout
le mal; est-ce bien vrai, ca? et puis les vaincus! c'est bien assez
d'etre vaincu par sa faute sans qu'on vous crache au nez toutes vos
betises. Aie pitie: il y a eu tant de belles ames quand meme! Le
christianisme a ete une toquade, et j'avoue qu'en tout temps, il est une
seduction quand on n'en voit que le cote tendre; il prend le coeur.
Il faut songer au mal qu'il a fait pour s'en debarrasser. Mais je ne
m'etonne pas qu'un coeur genereux comme celui de Louis Blanc ait reve de
le voir epure et ramene a son ideal. J'ai eu aussi cette illusion; mais,
aussitot qu'on fait un pas dans le passe, on voit que ca ne peut pas se
ranimer, et je suis bien sure qu'a cette heure Louis Blanc sourit de son
reve. Il faut penser a cela aussi!
Il faut se dire que tous ceux qui avaient une intelligence ont
terriblement marche depuis vingt ans et qu'il ne serait pas genereux de
leur reprocher ce qu'ils se reprochent probablement a eux-memes.
Quant a Proudhon, je ne l'ai jamais cru de bonne foi. C'est un rheteur
de _genie_, a ce qu'on dit. Moi, je ne le comprends pas: c'est un
specimen d'antithese perpetuelle, sans solution. Il me fait l'effet d'un
de ces sophistes dont se moquait le vieux Socrate.
Je me fie a toi pour le sentiment du _genereux_. Avec un mot de plus ou
de moins, on peut donner le coup de fouet sans blessure quand la main
est douce dans la force. Tu es si bon, que tu ne peux pas etre mechant.
Irai-je a Croisset cet automne? Je commence a craindre que non et que
_Cadio_ ne soit en repetition. Enfin je tacherai de m'echapper de Paris,
ne fut-ce qu'un jour.
Mes enfants t'envoient des amities. Ah diable! il y a eu une jolie prise
de bec pour _Salammbo_; quelqu'un que tu ne connais pas se permettait
de ne pas aimer ca. Maurice l'a traite de bourgeois, et, pour arranger
l'affaire, la petite Lina, qui est rageuse, a declare que son mari avait
eu tort de dire un mot pareil, vu qu'il aurait du dire _imbecile_.
Voila. Je me porte comme un Turc. Je t'aime et je t'embrasse.
DCLXXVI
A MADAME PAULINE VILLOT, A PARIS
Nohant, aout 1868.
Merci, chere bonne cousine, pour l'amitie avec laquelle vous me jugez.
Je ne merite pas l'eloge, mais je merite l'amitie; oui, car je sais vous
apprecier et vous aimer.
Mon cher monde va bien. Gabrielle prend un regard d'une expression tres
caressante. Lolo parle souven
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