coups de tonnerre tres beaux.
Dites-moi en gros la floraison de vos environs (la floraison _spontanee_
du moment), ca m'interesse,--pas celle des jardins.
On est heureux aussi chez nous, on ne demande que la duree de ce qui
est. Notre parrain _Jerome_ est mieux portant, apres nous avoir donne de
l'inquietude; il nous a ecrit hier. Lolo se livre a present a la danse
et au chant avec succes. Maurice fait des merveilles de decors pour les
marionnettes.
Moi, j'ai acheve un grand travail et je ne fiche plus rien. Je suis
en recreation, je donne le soir des lecons de fanfares au clairon des
pompiers. En voila une occupation! mais, comme je sais mon affaire, a
present! le reveil, l'appel, le rappel, la generale, la _berloque_,
l'assemblee, le pas accelere, le pas ordinaire, etc. Je profite de
l'occasion pour apprendre les elements de la musique a mon bonhomme,
qui est garcon meunier et ne sait pas lire; il est intelligent, il
apprendra.
J'ai enfin relu _Laure_. Les defauts sont adoucis, les qualites mieux
en lumiere; mais les defauts existent toujours, defauts absolument
relatifs, qui _n'en sont pas par eux-memes_, et qu'on peut signaler
sans vous rien oter de votre valeur personnelle. L'inconvenient de vos
ouvrages est celui de ne pas s'adresser a une classe determinee de
lecteurs intellectuellement hybrides comme vous. C'est un obstacle, non
au merite, mais au succes de la chose. La partie qui interesse les uns
est celle qui n'interesse pas les autres, et reciproquement. Je crois
qu'il faudrait choisir, mais je ne peux pas encore vous dire dans quel
sens vous pouvez le mieux marcher; cet ouvrage-ci ne tranche pas pour
moi la question; j'y vois un grand progres des deux faces de votre
talent, mais pas encore les qualites de _metier_ necessaires a l'une
ou a l'autre, ou sachant fondre et marier habilement les deux. C'est
affaire de temps, vous etes jeune.
Sur ce, chere enfant aimee, la famille vous envoie ses remerciements
pour vos gateries et vous renouvelle ses tendresses. Moi, je vous
embrasse de coeur tous les trois.
G. SAND.
DCXCI
A GUSTAVE FLAUBERT. A CROISSET
Nohant, 17 janvier 1869.
L'individu nomme George Sand se porte bien; il savoure le merveilleux
hiver qui _regne_ en Berry, cueille des fleurs, signale des anomalies
botaniques interessantes, coud des robes et des manteaux pour sa
belle-fille, des costumes de marionnettes, decoupe des decors, habille
des
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