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je recevrai une lettre de toi le lendemain matin; nous pourrions nous dire: Vous m'etes, en dormant, un peu triste apparu. Ce qui me preoccupe dans la mort de ce pauvre Jules de Goncourt, c'est le survivant. Je suis sure que les morts sont bien, qu'ils se reposent peut-etre avant de revivre, et que, dans tous les cas, ils retombent dans le creuset pour en ressortir avec ce qu'ils ont eu de bon, et du progres en plus. Barbes n'a fait que souffrir toute sa vie. Le voila qui dort profondement. Bientot il se reveillera; mais nous, pauvres betes de survivants, nous ne les voyons plus. Peu de temps avant sa mort, Duveyrier, qui paraissait gueri, me disait: "Lequel de nous partira le premier?" Nous etions juste du meme age. Il se plaignait de ce que les premiers envoles ne pouvaient pas faire savoir a ceux qui restaient s'ils etaient heureux et s'ils se souvenaient de leurs amis. Je disais: _Qui sait?_ Alors nous nous etions jure de nous apparaitre l'un a l'autre, de tacher du moins de nous parler, le premier mort au survivant. Il n'est pas venu, je l'attendais, il ne m'a rien dit. C'etait un coeur des plus tendres et une sincere volonte. Il n'a pas pu; cela n'est pas permis, ou bien, moi, je n'ai ni entendu ni compris. C'est, dis-je, ce pauvre Edmond qui m'inquiete. Cette vie a deux, finie, je ne comprends pas le lien rompu, a moins qu'il ne croie aussi qu'on ne meurt pas. Je voudrais bien aller te voir; apparemment, tu as _du frais_ a Croisset, puisque tu voudrais dormir _sur une plage chaude_. Viens ici, tu n'auras pas de plage, mais 36 degres a l'ombre et une riviere froide comme glace, ce qui n'est pas a dedaigner. J'y vais tous les jours barboter apres mes heures de travail; car il faut travailler, Buloz m'avance trop d'argent. Me voila _faisant mon etat_, comme dit Aurore, et ne pouvant pas bouger avant l'automne. J'ai trop flane apres mes fatigues de garde-malade. Le petit Buloz est venu ces jours-ci me relancer. Me voila dans la pioche. Puisque tu vas a Paris en aout, il faut venir passer quelques jours avec nous. Tu y as ri quand meme; nous tacherons de te distraire et de te secouer un peu. Tu verras les fillettes grandies et embellies; la petiote commence a parler. Aurore bavarde et argumente. Elle appelle Plauchut _vieux celibataire_. Et, a propos, avec toutes les tendresses de la famille, recois les meilleures amities de ce bon et brave garcon. Moi, je t'embrasse tendrement et te supplie de te bien
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