ge moral qui avait subi
toutes les epreuves avec une _douceur_ sublime. Je lui ai _du_ tout ce
que j'ai de bon, je tache de le conserver pouf l'amour de lui. N'est-ce
pas un heritage que nos morts aimes nous laissent?
Le desespoir qui nous ferait nous abandonner nous-memes serait une
trahison envers eux et une ingratitude. Dis-moi que tu es tranquille, et
adouci, que tu ne travailles pas trop et que tu travailles bien. Je ne
suis pas sans quelque inquietude de n'avoir pas de lettre de toi depuis
longtemps. Je ne voulais pas t'en demander avant de pouvoir te dire que
Maurice etait bien gueri; il t'embrasse, et les enfants ne t'oublient
pas. Moi, je t'aime.
DCCXXXIII
A MADAME EDMOND ADAM, A PARIS
Nohant, 8 juin 1870.
Chers amis,
Nous sommes bien heureux de l'_affirmation_ que nous donne Lina! vous
viendrez donc, ce mois-ci, revoir le vieux Nohant, tout grille, tout
desseche par la plus effroyable secheresse qu'il ait jamais subie!
En revanche, vous verrez nos fillettes fraiches et fleuries; le beau
Plauchut rose comme une citrouille, et le _Sargent_[1] encore un peu
change, mais en possession de toute sa gaiete. Nous sommes contents,
enchantes et joyeux de compter sur vous trois. Lina nous dit que vous
etes bien portants et que Toto est superbe. Ou va donc rire de bon coeur
et oublier tous les chagrins et inquietudes de cette triste annee! Vive
la joie, alors! Lina vous demande (elle a oublie de le faire a Paris) si
vous voulez des rideaux de lit dans votre chambre. Il y en a; on les
met ou on ne les met pas en ete, _au gout des personnes_. Reponse a cet
important chapitre de menage.
On promet a Adam qu'on ne lui fera pas de farces, on n'en fera qu'a
Plauchut; mais cela devient difficile, il a passe par toutes les
epreuves. Je crois qu'on le laissera dormir. Il est bien heureux en ce
moment-ci, on lui permet de chanter. Ca fait pleuvoir et on en a si
grand besoin, qu'il a toute permission de nous assommer. Le fait est
qu'il pleut depuis qu'il est ici.
A bientot donc, le plus tot qu'il vous sera possible, chers et bons
amis. On vous embrasse tendrement. Lolo et Titite, toutes fieres de
leurs beaux chapeaux, se joignent a nous. Aurore se souvient tres bien
de sa Toto.
DCCXXXIV
A GUSTAVE FLAUBERT, A CROISSET
Nohant, 29 juin 1870.
Nos lettres se croisent toujours et j'ai maintenant la superstition
qu'en l'ecrivant le soir,
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