tous les miens, a vous et aux chers votres. Recevez
donc embrassades, hommages et les plus beaux souhaits de tous vos amis
de Nohant. Quel malheur que Bruyeres soit si loin! quel beau reveillon
nous ferions ensemble!
G. SAND.
DCCXVII
A M. ARMAND BARBES, A LA HAYE
Nohant, 4 janvier 1870.
Mon grand, excellent et cher ami,
Je commencais a vous ecrire quand j'ai recu votre lettre. Depuis huit
jours, voici, au milieu des enfants et des amis, le premier moment ou je
peux prendre une plume, et je veux commencer par vous, entre tous les
chers absents. Vous n'avez pas besoin de me dire qu'on vous a fait agir
et parler. Tout ce qui est sage, digne et noble est tellement ecrit
d'avance dans votre vie, que je lis en vous comme dans le plus beau et
le meilleur des livres.
Vous voyez de haut et vous voyez clair. La fin du pouvoir personnel,
plus ou moins proche, est inevitable, fatale. C'est un pas de fait. Le
regne de tous est encore loin; mais l'education commence. Il nous faut
passer par l'initiative de quelques-uns et ces nouveaux combattants,
formes sous l'Empire, en ont toutes les tendances sceptiques et toutes
les vanites ambitieuses. Je ne designe personne; mais je vois cette
resultante dans les engouements des assemblees et dans le ton de la
presse democratique. Rien que des passions, aucune etude serieuse des
principes; un besoin effrene d'absolutisme dans ceux, qui le combattent,
c'est encore la une chose fatale.
On voudrait s'endormir pour ne s'eveiller que dans vingt ans; et, dans
vingt ans, nous n'y serons plus. Nous n'aurons vu que le trouble, nous
n'aurons connu que la peine; mais nous nous endormirons tranquilles, du
sommeil dont on passe dans l'eternite. Peut-etre, rentres la pour en
ressortir meilleurs et plus forts, aurons-nous une notion plus claire de
cette foi qui nous soutient a titre de vertu, et qui sera une lumiere.
En attendant, je vous aime; vous etes une des guerisons et une des
forces de mon etre. Quand je vois les miseres de l'agitation presente,
je pense a vous et je me reconcilie avec l'homme.
Ayez toujours courage et ne desirez pas mourir. Votre vie est un
enseignement, et un phare dans la tempete.
Mes enfants me chargent de vous embrasser respectueusement et tendrement
pour eux, et je m'en acquitte de toute mon ame.
GEORGE SAND
DCCXVIII
A MADEMOISELLE NANCY FLEURY, A PARIS
Nouant, 6 janvie
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