n'a pas dure. L'existence ou on ne
connait plus son _moi_ est si bonne, et la vie ou on ne joue pas de role
est une si jolie piece a regarder et a ecouter! Quand il faut donner
de ma personne, je vis de courage et de resolution, mais je ne m'amuse
plus.
Toi, troubadour enrage, je te soupconne de t'amuser du metier plus que
de tout au monde. Malgre ce que tu en dis, il se pourrait bien que
l'_art_ fut ta seule passion, et que ta claustration, sur laquelle je
m'attendris comme une bete que je suis, fut ton etat de delices. Si
c'est comme ca, tant mieux, alors; mais avoue-le, pour me consoler.
Je te quitte pour habiller les marionnettes, car on a repris les jeux et
les ris avec le mauvais temps, et en voila pour une partie de l'hiver,
je suppose. Voila l'imbecile que tu aimes et que tu appelles _maitre_.
Un joli maitre, qui aime mieux s'amuser que travailler!
Meprise-moi profondement, mais aime-moi toujours. Lina me charge de te
dire que tu n'es qu'un pas grand'chose, et Maurice est furieux aussi;
mais on t'aime malgre soi et on t'embrasse tout de meme. L'ami Plauchut
veut qu'on le rappelle a ton souvenir; il t'adore aussi.
A toi, gros ingrat.
J'avais lu la bourde du _Figaro_ et j'en avais ri. Il parait que ca a
pris des proportions grotesques. Moi, on m'a flanque dans les journaux
un petit-fils a la place de mes deux fillettes et un bapteme catholique
a la place d'un bapteme protestant. Ca ne fait rien, il faut bien mentir
un peu pour se distraire.
DCLXXXVIII.
A M. EMILE ROLLINAT,
EN GARNISON A PERPIGNAN
Nohant, 2 janvier 1860.
Cher enfant,
Merci de votre bon souvenir. Je suis heureuse de vous savoir content,
c'est la marque d'un caractere solide et d'un esprit serieux; car,
puisque tous ceux de votre age se plaignent, ne se trouvent bien places
nulle part et voudraient commander a la destinee, ce n'est pas tant le
manque de philosophie que le manque de force qui fait ces ames aigries,
pleines d'exigence. Vous vous trouvez content d'avoir un etat et vous
savez vous y faire des loisirs utiles, un fonds d'etudes qui vous
servirait au besoin. Je suis bien sure a present que l'avenir est a
vous, que le destin ne vous trainera pas apres lui, mais que vous le
pousserez lui-meme en avant. Les chagrins que vous rappelez, votre
bien-aime pere me les avait confies, et je l'ai vu bien tourmente de
votre avenir. Ce que je vous dis aujourd'hui, je le lui disais; car il
me d
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