i a te faire un nid qui se chauffe bien? Permets-moi de t'envoyer
du bois pour cet hiver affreux, sous forme de papier, puisque je ne
peux pas t'envoyer des arbres sur une charrette. Si tu etais dans mon
voisinage, tu ne refuserais pas ce petit cadeau. Ne me le refuse donc
pas: sous la forme que je suis forcee de lui donner, ou tu me ferais
beaucoup de peine.
Je t'embrasse bien tendrement et te souhaite courage et sante, de toute
mon ame.
Tendresses de mes enfants et un baiser de notre Aurore, qui est belle et
bonne tout a fait.
Amities a _Sandrine_. Accuse-moi reception pour que je sache si la poste
est fidele.
DCLXII
A MADEMOISELLE NANCY FLEURY, A PARIS
Nohant, 16 janvier 1868.
Lina t'aura dit, chere fille, que le froid du dehors, le bien-etre du
dedans, et surtout le bonheur de vivre avec cette chere famille avaient
ajourne mon voyage. Il l'est encore un peu, je voudrais courir et je
voudrais rester; c'est un peu difficile a arranger.
Sitot a Paris, j'irai frapper a votre porte, vous rendre en personne vos
bons baisers du jour de l'an et me faire raconter les merveilles de
la petite Berthe. Nous en parlions hier avec la grande Berthe[1],
sa marraine, qui nous a presente son Isabelle, tres grande et tres
gentille, mais deja timide comme une demoiselle et baissant les yeux en
tortillant sa ceinture. Aurore n'en cherche pas encore si long. Sans
exageration ni prevention de grand'mere, c'est l'enfant de deux ans
le plus doux et le plus egal que j'aie jamais vu. Son intelligence
s'annonce aussi etonnante que son caractere. Celle-la est vraiment nee
en bonne lune; si le suivant ou la suivante est ausi facile a vivre,
nous aurons vraiment trop de chance.
L'avenir changera-t-il cet heureux et aimable temperament? on ne sait
pas! Il y a bien une question de sante au fond de tout; mais les
organisations donnent-elles leur premier mot pour le reprendre?
Qu'en penses-tu, toi qui dois te preoccuper aussi beaucoup de ces
questions-la?
Tu ne nous parles guere de toi. Les choses vont-elles a ton souhait? Je
sais bien que, dans la famille, vous n'avez que bonheur et affection.
Mais le dehors se comporte-t-il bien, et recueilles-tu le fruit de tes
peines et de ses merites?
Je ne peux te rien dire de ce que l'avenir promet a la grande famille
du genre humain. Tout y va si mal, qu'on ne peut craindre rien de
pire; mais se reveillera-t-on de l'insouciance avec laquelle on se
|