a Paris, et, la, nous avons recu une lettre
d'elle, qui nous disait tranquillement: "Je suis accouchee hier soir et
je me porte tres bien."
Nous sommes partis sur-le-champ, et, le matin, nous trouvions la mere
et l'enfant (qui est superbe) en bon etat. C'est encore une fille, tres
forte, bien venue a terme et que nous recevons avec joie; la premiere
est si belle et si aimable! Notre chere Lina est forte et vaillante, et
nous voila tres heureux.
Echangeons donc nos felicitations. Maurice me charge de vous embrasser
et de vous dire qu'il est content de votre joie paternelle; Il la
comprend si bien! il est fou de son Aurore, et se promet d'etre fou de
sa Gabrielle.
Bon courage et bonne chance, mon cher enfant! Lina vous felicite aussi,
recevez toutes nos tendresses.
G. SAND.
DCLXVII
A MADAME JULIETTE LAMBER, A BRUYERES (GOLFE JOUAN)
Nohant, 23 mars 1868.
Chere enfant,
Vous voulez devenir _calme_; si cela etait possible, je vous dirais:
"Vite, vite, pour votre sante, pour votre sommeil et pour votre bonheur
par consequent; car la souffrance continuelle n'arrive a etre combattue
que par _l'amusement_ et ne peut arriver au bien-etre de l'ame." Mais
le peut-on, mome en le voulant bien? Je sais que, pour moi, je l'ai
beaucoup voulu; mais n'est-ce pas la vieillesse qui a fait le miracle?
Je crois bien que oui.
Ce remede-la vous viendra, c'est un grand detachement des petites
choses qui prend a son heure, quand on se laisse faire sans depit et
sans-regret. Il n'y a pas grand merite, ce n'est qu'une affaire de bon
sens. Faut-il due la jeunesse devance l'oeuvre du temps? Non; son charme
est _l'impressionnabilite_. Restez comme vous etes, en vous modifiant
seulement un peu, pour que ce qui est de votre age ne soit pas excessif,
par consequent douloureux. Vous etes exaltee et passionnee; c'est bien
beau et bien bon; on vous aime a cause de cela. Mais vous etes assez
riche pour vivre de vos tresors, n'essayez pas d'etre millionnaire pour
vous ruiner. Il me semble que vous vous affectez quelquefois par besoin
de souffrir; la est l'exces. Toute qualite, toute puissance a son trop
plein et c'est sur ce trop plein que votre philosophie peut agir dans
une certaine mesure. Au commencement, les victoires que l'on remporte
sur soi-meme paraissent bien petites; insensiblement elles sont plus
amples et toujours plus faciles. C'est la loi; de la force dans l'essor,
toujours augmentee
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